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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 10:48

Mesdames, messieurs, mes chats et mes chiens.

 

Hier, je suis allée voir le dernier James Bond, Skyfall.

 

C'est chouette. C'est à voir. Si vous aimez James Bond, c'est pour vous.

 

Alors, j'ai vu certaines critiques qui disaient que ça manquait de Filles/Action/Explosions... A ceux-là, j'ai envie de dire qu'un James Bond n'est pas et ne sera jamais Hyper Tension et fort heureusement. Un James Bond, ce doit être graphique, élégant, parfois surprenant mais au grand jamais ce ne doit être une débauche d'explosions pour le plaisir de l'explosion.

 

Contrat rempli, Mister Bond.

 

Ensuite, pour l'histoire... J'avoue quelques petites deceptions mais hélas necessaires. Judi Dench est une M magistrale et c'est un créve-coeur de savoir qu'on ne la reverra plus dans ce rôle. Autre petite deception qui m'a été soufflée par l'autre moitié de mon couple, quel dommage que Sean Connery n'ait pas joué le rôle du garde chasse. Certes, ce n'est pas un rôle à la mesure de son talent mais quel fucking caméo c'aurait fait, tiens...

Vous l'aurez compris, Skyfall, c'est l'édition anniversaire des James Bond. On ne reprend pas les mêmes et on recommence mais on fait des clins d'oeil, voire des tartes dans le gueule pour les fans. Le résultat est bon, trés bon.

 

Mes scènes préférées: James Bond VS le méchant Silva ou ce dernier le drague honteusement pour lui faire perdre ses moyens et où notre James Bond lui réponds avec un demi sourire qui me fait aimer Daniel Craig :"Mais qui vous dit que c'est la première fois?"

Blam! Next...

Les discussions avec M qui sont de petits bijoux, evidement et surtout celle avec l'Aston Martin...

 

Petit bémol, Q.

Je voyais pas Q comme ça et... Navrée, il ne me correspond pas.

 

Allez, à la prochaine, Mister Bond...

 

http://cdn-premiere.ladmedia.fr/var/premiere/storage/images/cinema/news-cinema/skyfall-a-l-epreuve-des-bond-3527172/64119186-1-fre-FR/Skyfall-a-l-epreuve-des-Bond_portrait_w532.jpg

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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 22:00

Chers vous tous et toutes,

 

Ce Week end de grand froid, j'ai lu pour vous et pour vous en donner une énième critique : Cinquante nuances de Grey.

 

Bon, j'avoue qu'entre les descentes en flamme et les éloges somptueuses, je ne savais pas quoi en penser et j'ai préféré en avoir le coeur net toute seul...

 

Et bien, mesdames, messieurs... Si vous avez la moindre confiance en mon jugement... Ne dépensez pas votre argent pour ça. J'ai lu mieux, j'ai lu pire et je ne relirais pas. En plus, ça  fait trois tomes. Trois tomes d'histoire d'amour improbable saupoudré de SM... De base, j'étais pas emballée et je dois dire que ça ne me rend pas plus curieuse du Monde SM. La raison? simple. Même si je sais que c'est une relation codifiée et consentante, je m'attendais à quelque chose d'un peu plus passionnel. Dans Cinquante Nuances...? Un contrat juridique, en termes juridiques et cliniques qui tient lieu de mots d'amour. Personnellement, j'avoue que ça me calme. Voire ça me refroidit. Et avec la vague de froid, j'ai passé un bon Week end, tiens...

 

Et comme on me dit que je ne parle pas suffisament des trucs biens, notons quand même que l'échange de mails entre les deux protagonistes est trés chouette à lire. Mon seul moment ou j'ai souri.

 

Oh... Et puis, pour nous mettre dans l'ambiance, faisons une citation:

 

http://i33.servimg.com/u/f33/17/63/76/22/56127610.jpg

 

Voilà...

 

Perso, je trouve ça super classe pour un premier rendez-vous, Monsieur Grey... -_-

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 23:35

 

Chapitre 15: Figure 09

 

 

 

 

  • Ça va? Tu t'emmerdes pas trop?

  • Comme un rat mort...

En même temps, il était difficile de trouver de quoi s'occuper dans la cave d'une ancienne cour londonienne, complètement brûlée et qui empestait la cendre de vampire. Pas un meuble n'avait survécu à la fureur du Firenze et il y avait même encore de splendides statues de cendre qui tendaient les mains vers la sortie. Délicieusement morbide. Vince avait pris des photos pour Victor. Pourtant, malgré le décor, le cannibale avait décidé de rester là et d'y passer la journée. L'état de Simon l'avait occupé une bonne partie de la nuit et il aurait du choisir entre organiser son extraction ou partir. Comme il avait trop de respect pour Anna, il avait préféré son humain. De plus... Peut-être que le Firenze reviendrait sur le lieu du massacre à la nuit tombée? Mais ça, il y croyait très moyennement. Enfin... Heureusement que Clara l'avait appelé.

  • Victor m'a raconté dans les grandes lignes. C'est si moche que ça?

  • Un mélange entre Pompéi et le bal des vampires.

  • Ah ouais... très moche, donc.

  • T'as pas idée! Je pensais peut-être pouvoir trouver quelques dossiers, de quoi alimenter ma paranoïa et surtout celle de Celui-Qui-Doit-Etre-Obéi... Mais là, à moins d'être devin... Je sais même pas pourquoi ce pyromane s'est attaqué à Londres au final.

  • Oh, ça... Victor m'a expliqué que la Cour de Florence s'était prise une décapitation il y a quelques siècles. Décapitation dont les preuves ont été fournies par Londres, Stockholm et Paris.

  • Aie... On doit s'attendre à ce que Paris brûle?

  • Elle est nulle. Tu sors.

  • Je peux pas, je risque de cramer.

  • Tu comptes toutes me les faire?

  • J'y pensais...

  • Bon... Plus sérieusement: La Cour de Paris n'est pas la même qu'à l'époque, donc peu de chances que notre Pyromane y fasse un tour. Quant à Stockholm... Victor ne souhaite pas les inquiéter par l'annonce d'un possible attentat.

  • Mais quelle enflure... Murmura Vince avec un sourire.

  • Allez... Avoues que ça t'amuse aussi.

  • Oh, oui.

Il recommença son tour de la troisième cave du domaine d'Uxbridge. Oui, c'était un massacre et les auras suintaient la peur. Pourtant, il n'arrivait pas à se sentir coupable ou même dégouté. Tout simplement parce que l'aura la plus puissante était celle de la vengeance et du devoir accompli. Il pouvait presque voir l'être de flammes qui était apparu dans ce havre de paix, soit disant, commencer son œuvre, avec méthode et une certaine satisfaction.

  • Je ne pense pas qu'ils reviendront. Ils ont fini et ils n'ont aucun intérêt à revenir. Les preuves n'existent déjà plus.

  • De toute façon, je ne pense pas que Victor te laisse les affronter.

  • Mouais... T'as réussi à joindre Ben?

  • Non... Je lui ais laissé un message comme quoi tu étais occupé pour quelques jours... Pas eu de réponses.

  • Et merde...

  • Vince, je sais que tu ne veux pas en parler mais...

  • De quoi je ne voudrais pas parler?

  • De toi et Ben.

  • Ah.

Il s'arrêta, sentant arriver la leçon de morale.

  • Je devrais m'en foutre mais j'y arrive pas. Et je sais que tu ne m'écouteras pas.

  • Exact.

  • Et je sens que...

Au bout du fil, il l'entendit soupirer.

  • Vince... fais ce que tu veux. Mais sois prudent, s'il te plait.

  • Tu en parles comme si c'était voué à l'échec.

  • Non, je n'en sais rien. C'est pour ça que je ne m'en mêle plus.

La tonalité qu'il entendit l'empêcha de raccrocher de même. Clara l'avait fait avant. Il n'aimait pas s'embrouiller avec Clara, sans doute parce que c'était sa seule amie et qu'elle le prenait comme il était, avec ses sautes d'humeur et ses dépressions. Il la rappellerait pour s'excuser... Sitôt qu'il aurait assimilé le fait que sa relation avec Ben ne lui plaisait pas même si elle n'existait pas encore.

Un bruit le fit dresser. Ça venait de l'étage supérieur: le craquement d'un pas sur le bois à moitié brûlé. Encore un pas... encore un autre... Hésitants, ces pas. Vince dégaina le couteau qu'il gardait toujours en mission. Non, qu'il en eut véritablement besoin mais le poids de la lame avait tendance à le calmer et à le rassurer. Un peu pathétique quand même... mais il avança à pas lents en veillant à faire le moins de bruit possible. Le problème étant l'escalier qui menaçait de s'effondrer. Heureusement que les murs de la demeure fussent en pierre de taille sinon il se serait tout pris sur la tête. L'homme, car c'en était un à la vue de son aura et c'était la première fois qu'il rentrait ici, était seul. Ce n'était donc ni l'un des deux qu'il avait croisé la veille ni quelqu'un d'habitué à la maison. Peut-être un enquêteur ou un pompier... Qui que ce fut, il était gênant. Et Dieu que Vince regrettait de ne pas être un bon menteur comme Simon!

Une toux rauque lui parvint alors qu'il se cachait derrière le chambranle noirci d'une porte.

  • Je sais que t'es là, Vince...

  • Ben?!

Il eut à peine le temps de se précipiter que Ben s'écroulait en toussant.

  • Mais merde, qu'est-ce qu'il t'arrive?

  • Soit béni de ne plus respirer et de ne... pas avoir mon odorat... C'est atroce ici...

  • Attends...

Vince le prit à bras le corps et l'entraîna un peu plus loin, dans une toute petite salle à peine touchée par le feu, sans doute parce que complètement vide mis à part quelques écuelles d'eau et de plusieurs aérations proches du plafond.

  • Je crois qu'ils entreposaient le bétail ici... d'où l'air frais.

  • Ouais... C'est mieux, ici, merci...

Vince allongea Ben à même le sol alors que celui-ci se tenait toujours la main devant le nez et qu'il était secoué par la toux.

  • Je suis content de te voir mais qu'est-ce que tu fous ici?

  • Je te cherchais... Je t'ai suivi à l'odeur depuis l'aéroport... Et crois-moi, avec cette incendie, j'ai mis la journée et la nuit...

  • Comment tu savais que j'étais ici?

  • Clara...Sur son message... Bon Dieu, comment tu fais pour rester dans cette puanteur?

  • Crois-moi, c'était pire quand ça brûlait encore. Mais... Pourquoi...

  • La cendre... La cendre qui s'insinue partout... Il va me falloir des jours pour que ça me parte des narines...

Il éternua violemment.

  • Ce... n'est pas moi qui ai fait ça.

  • Je sais. Tu ne perdrais pas autant de nourriture pour rien. Je suis content que tu n'ai rien.

  • Oh... Je... Ça n'a pas été sans mal. Mais pourquoi es-tu venu?

Mais Ben ne dit pas un mot de plus, se contentant de tousser en se frottant le nez. Pourtant, le cannibale était content, presque heureux. Son loup était venu pour lui et il se sentait apaisé de l'avoir à ses cotés. S'il s'écoutait, il se serait blotti dans ses bras mais les quintes de toux continuaient à le secouer et ses joues en étaient rouges.

  • Tu devrais peut-être sortir à l'air libre.

  • Non, ça va... Je peux tenir le choc. C'est moins étouffant ici même si les odeurs sont... Merde! Du bétail?

  • Le nom pour les humains qu'ils gardent en cage avant de grands repas, si tu vois ce que je veux dire.

  • Ce qui explique l'odeur de la peur.

  • Ouais... Je ne suis pas vraiment mécontent de leur mort à tous.

  • Qui a mis le feu?

  • Je sais pas trop... Je l'ai vu mais... Dis? C'est normal qu'un vampire se ballade avec un loup-garou?

Ben haussa un sourcil et le regarda d'un air franchement interloqué.

  • Tu parles pour nous, là?

  • A part nous.

  • Non. Si je n'étais pas un solitaire, on me chasserait pour ça. Rappelle toi que les loups et les vampires ne s'aiment pas en temps normal.

  • Donc, ce serait un solitaire.

  • Ce serait le plus logique. Attends, c'est un loup et un vampire qui ont fait ça?

  • Ouais.

  • Tu m'impressionnes.

  • Oh non, non... Match nul en fait. Je ne pense pas que j'aurais survécu si j'avais affronté les deux en même temps.

Le loup se mit à soupirer et à se gratter la tête.

  • Il vaut mieux, oui...

  • Bon, ça ne me dit toujours pas ce que tu fous ici.

  • Je te l'ai dit, je te cherchais.

  • Mais pourquoi? Je sais que tu ne pouvais pas m'appeler mais j'allais rentrer demain.

  • Il fallait que je vienne.

Vince le saisit par la nuque et le força à le regarder dans les yeux.

  • Je vais devoir t'arracher chaque mot ou quoi?

  • C'est un peu dur à dire.

  • Et bien, on est pas rendus... Dis-moi au moins que tu as ramené une gameboy... Ou au moins un jeu de cartes.

Ben secoua la tête en souriant et se cala contre le mur.

  • Désolé, vieux...

  • N'empêche... Je suis vraiment content que tu sois là.

Ils restèrent silencieux pendant une bonne dizaine minutes, assis l'un à coté de l'autre. Vince souriait vaguement tandis que Ben essayait de s'habituer sans succès aux odeurs, pour lui, méphitiques. Il sentait que Vince s'approchait, tout en restant à distance raisonnable, juste assez pour profiter de sa chaleur sans pour autant le toucher.

  • Je crois qu'on est bons pour avoir cette putain de conversation, murmura Ben.

  • De quoi tu parles?

  • Je sais ce que tu essayes de faire.

  • C'est... à dire?

  • Tu me dragues.

  • Euh, ouais... Et vu la manière dont tu dis ça, ça ne te plait pas...

  • Non. Ça ne me fait rien du tout.

Le vampire le regarda avec étonnement tout en se reculant un peu. C'était étrange de se faire rembarrer au final. Douloureux, oui mais moins qu'il ne l'aurait cru.

  • Désolé... Je vais arrêter, alors.

  • Non, tu ne comprends pas. Ça ne me fait rien. Ni dans un sens, ni dans l'autre. Je n'en suis pas heureux, ni dégouté, rien. Ça fait depuis que je suis un loup-garou que ça dure.

  • Oh... Dur...

  • Mais... Hier, quand j'ai eu le message de Clara, je n'ai pas eu d'autre choix que d'essayer de te retrouver. Il le fallait. Je ne m'explique pas pourquoi mais il le fallait.

Et c'était bien ça le problème. Au mépris de sa mission et de sa sécurité, il avait passé la journée à suivre la piste froide d'un vampire. Quelque chose n'allait pas et il ne pouvait pas savoir ce que c'était sans retourner auprès de Jones... Qui n'aurait peut-être pas la réponse. Et puis, il y avait l'autre souci.

  • En plus... Je l'entend gémir, jour et nuit... Il force mes sens à être au delà du supportable... J'en peux plus, je vais péter un câble...

  • Ta bête?

  • Ouais. Je crois qu'elle a atteint le seuil. Ou c'est moi qui l'ai atteint, je ne sais pas.

Mû par un sentiment qui lui tordait le cœur, Vince le prit à nouveau contre lui et le sentit soupirer et se détendre un peu.

  • On va trouver un moyen, Ben.

  • Y'en a pas. La Bête me rend fou. Si je pouvais m'en débarrasser...

  • Aucun moyen de l'extirper? Tu serais tellement mieux sans cette purge.

Ben poussa un gémissement de douleur aigu en se prenant la tête. Le grondement du loup dans sa tête était assourdissant, plein de colère et de haine. Il préféra changer de sujet.

  • Tu sais pourquoi les loups n'aiment pas les vampires?

  • Non, aucune idée.

  • Il y fort longtemps, parait-il, les loups-garous étaient chassés par les vampires pour leur sang qui avait si bon goût. Il paraît même que certains loups-garous étaient devenus esclaves...

  • Et c'est pour ça que la guerre entre les loups et les vampires a commencée? Pour un repas?

  • Ouais...

  • Heureusement que je ne peux pas boire de sang chaud, alors...

  • Ouais... Le problème n'est pas tellement que les vampires aiment le sang de lycans. C'est plutôt que les lycans estiment que ce genre de repas les privent de leur force. Ce qui est inacceptable.

  • Vu à la vitesse où vous vous régénérez, je ne vois pas quel est le souci.

  • Moi non plus.

  • Dors... On va trouver une solution...

Ben ne se fit pas prier et s'endormit, sentant l'animal en lui accepter enfin de se calmer. Quelle plaie... Quelle plaie de mentir... Quelle plaie d'être venu ici alors qu'il devait avoir plusieurs meutes au train.

 

 

 

Assis sur une sorte de siège en pierre, recouvert de fourrures blanches, Victor regardait avec ennui l'homme qui était en face de lui et qui frappait l'enclume avec une certaine grâce. Ce qui était loin d'être évident quand on pratiquait la ferronnerie. Plusieurs fois, il fut tenté de prendre la parole mais il se souvenait toujours à la dernière seconde qu'il était en présence de quelque chose que personne n'avait vu depuis des siècles. De plus, les coups, qui ressemblaient à la frappe sur une cloche d'airain le ramenaient à l'humilité. C'était suffisamment rare pour qu'il en bouillonne intérieurement en attendant qu'on veuille bien s'occuper de lui. Retour de bâton pour toutes les fois où il avait fait périr d'ennui et d'appréhension ses invités? Peut-être. La créature qui prenait les morceaux de métal fondu à même la lave qui coulait en contrebas de l'enclume était bien capable d'avoir de tels désirs. Cela dit, ce petit rappel à l'ordre ne l'empêcherait pas de recommencer et d'abuser de ce petit jeu, soyons clairs.

  • Oh, mais je n'en doute pas un seul instant...

Le forgeron avait cessé ses frappes et enfonçait la gigantesque lame dans un glacier qui siffla et se fendilla, projetant aux alentours un épais brouillard. Évidemment, il était impossible de voir quoique ce soit du forgeron dans ces conditions. Même quand la vapeur n'était pas encore présente, il avait été impossible à Victor de voir un trait distinctif, ou plutôt de s'en rappeler. Perturbant.

  • Ce n'est pas que je sois d'une grande timidité mais j'aime bien laisser mes visiteurs sur de fausses impressions.

  • Très joliment exécuté.

  • Merci, Sigur.

  • Et maintenant, puis-je savoir la raison de cette convocation?

La présence se déplaça derrière lui avec un petit rire de gorge qui tranchait avec sa voix de basse. Manifestement, il faisait exprès de changer totalement le ton de sa voix à plusieurs reprises pour totalement dérouter son interlocuteur.

  • Ne l'as-tu pas deviné?

  • Si je l'avais deviné, ne pensez-vous pas que je me serais abstenu de venir?

  • N'aurais-tu pas été poussé par la curiosité?

Ne pas répondre, ne pas répondre... Fichu jeu Fae!

  • Pourquoi aurais-je de la curiosité pour une entrevue qui m'ennuie?

  • Pourquoi n'en aurais-tu pas eu vu que je suis un inconnu?

  • La crainte de l'inconnu m'en aurais peut-être empêché, non?

  • Mais peut-être que l'inconnu n'en est pas un et que tu l'as déjà croisé il y a fort longtemps, dans ce cas, ne serait-ce pas une bonne raison de venir?

  • Vous allez continuer longtemps?

  • Et toi?

  • Bon j'abandonne...

le rire, cette fois-ci fut celui d'un petit garçon et la buée se concentra autour d'une silhouette noire qui semblait absorber la lumière, du moins avant que la buée ne devienne une immense toge blanche et argent. Impossible de voir ce qu'il y avait en dessous.

Il y avait trois créatures pour lesquelles Victor acceptait de ne pas faire Sigur. Les trois grandes figures de la Nation Fae, comme les Faes eux-mêmes, ne réfléchissaient pas comme les humains, les loups-garous et vampires et il était impossible de savoir comment ils prendraient telle ou telle situation. Encore que bon... La reine de la Cour d'Été... C'était réglé, sa haine des vampires était proverbiale. La reine de la Cour d'Hiver s'en fichait un peu... Et le dernier, celui qui était en face de lui et qui avait juste laissé un petit mot sur sa table de chevet avec la mention: « je viens te chercher! » avant de l'entrainer dans son royaume. Le plus fantasque des trois, le plus inaccessible et le plus effrayant. Le Prince de la Cour d'Équilibre. Le seul mâle Fae qui avait ce niveau de pouvoir, dirigeant absolu de la plus petite et la plus influente des cours Faes, le Forgeron, Forge, Destin, Le Vieil Homme. Sans doute le seul Fae qui avait vécu si longtemps qu'il marquait l'imaginaire de l'humanité entière sans qu'elle le sache. Tout le monde avait un nom pour lui, sans jamais avoir le vrai. Personne n'aurait voulu manquer une entrevue avec lui... Mais Victor regrettait déjà d'être venu.

  • Bien vu, Sigur... Je ne souhaite pas d'alliance et je ne compte donner mon approbation à personne.

  • Parfait. Voilà qui est clair.

  • Juste te prévenir.

  • Mais de quoi? Merde!

Il avait posé une question, ce qui signifiait encore dix bonnes minutes à ne parler qu'en se questionnant. Mais le Prince se contenta de glousser comme une jeune fille.

  • Oh, il n'est plus temps de jouer et comme je manque de suite dans les idées, je risque de passer le prochain siècle à ne pas dire ce que je dois dire... Alors autant le dire tout de suite et t'épargner encore de longues et fastidieuses fariboles de ma part.

  • Je vous en serais gré.

  • Si tu savais comme je suis excité! J'ai mis tant d'années à tout mettre en place, tant de jours à peaufiner sans relâche chaque détail... Et ça va bientôt arriver!

  • C'est … merveilleux... Mais en quoi suis-je concerné?

  • En tout. En tout, Sigur. N'es tu pas excité?

  • Si je savais par quoi je devrais l'être...

  • Question inepte. Toute ton existence est basée là-dessus. Enfin, peut-être pas toute, je m'emporte mais... Ah, Sigur... On est toujours excité quand vient la fin de quelque chose. Moi, en tout cas. Cela dit... comment vais-je gérer ça? Oh, je trouverais. Ce n'est pas comme si je devais vraiment m'en inquiéter puisque moi et mes séides ne nous mêleront pas aux destinées de ce monde... Mais toi?

  • Quoi, moi?

  • Humain tu étais... Il y a très longtemps... Humain, tu redeviendras... Pour eux. Ils sont si... Effrayés, tu ne trouves pas?

  • De qui parlez-vous?

  • Des humains, bien sur. Avec leur...Science... Leur manie de vouloir tout mettre en petites fiches... Effrayés et effrayants. Il faudra pourtant faire avec puisqu'ils sauront. Très bientôt. Mes Sœurs ont déjà prévu de tout révéler. Une sombre histoire de meurtre... Par les puissances, qu'elles sont prévisibles! Dommage qu'elles n'y survivent pas.

Victor se pencha en avant en fronçant les sourcils. Les Faes ne mentaient pas. Jamais. Leur plus grand jeu: Celui de toujours dire la vérité mais de ne jamais tout dire. Les plus grandes sibylles avaient été influencées par des Faes... Mais ce que lui annonçait le Prince, ce n'était rien de moins que la révélation du Monde de la Nuit au Monde du Jour. Par les deux Reines. Les rouages de son esprit se mirent en marche à toute vitesse. Il y avait tant à faire et très peu de temps...

  • Et... Les autres?

  • Le Monde de la Nuit, du Rêve, du Possible et l'impossible est si vaste... Tu comptes les prévenir?

  • Je ne sais pas.

  • Tu devrais. Ils pourraient... T'en être reconnaissant. Enfin, pas tout de suite. Il reste toujours un souci que mes pauvres Sœurs ne veulent ou ne peuvent pas voir... Les idiotes. Enfin... C'est la permanence du Cycle. Tout vit, tout meurt, tout revient à sa place, tout change, sans changer, tout se meut en restant immobile. Il y aura toujours deux Reines et un Prince, il y aura toujours le sommet de la chaine alimentaire humaine, qu'elle se nourrisse de chair ou de sang, il y aura toujours l'antagonisme de la lumière et des ténèbres et toujours, toujours! Il y aura des lois brisées. Toujours. C'est la seule règle immuable. Cependant... Il y a quelque chose en ce monde qui n'a pas sa place et malgré toutes ses tentatives pour se la faire, elle ne réussit qu'à creuser un peu plus l'abîme. Si tu savais comme je suis content d'avoir pensé à la mettre à bas.

  • Je suis navré... Je ne comprend pas un mot.

  • C'est normal. Tu n'imagines pas à quel point il est pénible de voir s'entremêler les fils et de suivre le trajet chaotique du monde. J'en deviens absurde, je le sais. Ou obscur... très difficile à suivre, ça c'est sur. Enfin. Tout ce préambule pour te dire que la Lame est bientôt prête! Je serais curieux de savoir à quoi elle va ressembler... Une hache? Une lance? Une épée? Une faux, peut-être...?

  • La Lame...

Un effroyable pressentiment le saisit et lui glaça l'échine.

  • Tu te souviens, maintenant? Parfait! Il est temps de te laisser te rendormir.

  • Pardon?

  • La vie, Sigur... La vie n'est qu'un songe. Mais quel si beau rêve...

Jamais Sigur ne s'était réveillé aussi vite et en lui laissant une impression aussi néfaste. Même la chaleur douce de Clara contre son flanc ne réussissait pas à le réchauffer. Était-ce vraiment un rêve? Ou encore l'un de ses fichus jeux de Fées?

  • Victor...?

  • Est-ce qu'un siècle... un seul siècle, je vais avoir enfin l'occasion de vraiment me reposer??

  • Bienvenue dans la vie active, chéri... Marmonna la jeune femme en baillant avant de se retourner dans les draps.

 

 

 

 

La nuit tombait peu à peu... Il pouvait imaginer le soleil disparaître derrière les collines anglaises saupoudrant d'or l'herbe. Combien avant que ces souvenirs là ne disparaissent? Peut-être encore moins qu'il ne le croyait au début. C'était dans ces moments-là qu'il se disait qu'il n'avait pas envie de survivre. Heureusement qu'il tenait dans ses bras la raison qui lui donnait envie de survivre. Plusieurs heures que Ben dormait. Plusieurs heures qu'il s'agitait dans son sommeil et qu'il poussait des soupirs poignants de détresse. Il ne se calmait que quand Vince lui caressait les cheveux. C'était aussi bon que ça faisait mal, surtout quand Ben se pressait contre lui et s'accrochait. Son souffle contre sa peau... C'était une torture. Une si douce torture.

  • Mords-moi...

Vince ouvrit les yeux en espérant ne pas avoir entendu. Ou s'être trompé. N'importe quoi... Parce qu'il ne pouvait pas le mordre.

Mais l'homme à ses cotés continuait à agripper à son blouson, semblant vouloir monter sur lui et le serrer d'encore plus prêt. Si Ben ne lui avait pas avoué qu'il ne ressentait rien à son égard, il aurait pu en profiter mais...

  • Mords-moi, s'il te plait...

  • Attends... Qu'est-ce que...

Ben lui coinça la tête contre son cou, son pouls battant contre les lèvres du vampire.

  • J'en peux plus... Il s'insinue en moi, il me fait mal... Libères-moi.

  • Attends, Ben... Qu'est-ce que tu racontes?

  • Mords-moi, Tues-moi, je t'en supplie... Tu peux faire ça pour moi... Par pitié...

Le vampire eut un coup au cœur. La chaleur le plongeait dans une sorte de torpeur bienheureuse, voire au delà, mais l'idée de boire du sang chaud le dégoutait par avance sans oublier que vivre sans Ben lui semblait au dessus de ses forces. C'était peut-être là, la fin. Il comprenait que Ben ne voulait pas vivre en devenant complètement fou. Lui-même craignait de franchir le seuil et espérait pouvoir s'en rendre compte avant et que son instinct de survie ne durerait plus très longtemps... Qu'il puisse s'endormir pour toujours... Que ça s'arrête, enfin... Il soupira et laissa ses canines s'allonger. Ce serait dur, presque impossible. Mais pour Ben...

  • Je t'aime.

Et il mordit de toutes ses forces dans la jugulaire, sentant le sang chaud courir sur sa langue. Il avait du mal à avaler alors il se dit qu'il buvait du poison. C'était son seul moyen de mourir. Boire encore, boire jusqu'à la lie, boire le fiel... Et en mourir. Oublier qu’il était en train de tuer quelqu’un et penser qu’il caressait le seul homme qui avait réussi à le faire regarder ailleurs que le gouffre sous ses pieds. Il y plongerait plus tard. Il serra le corps contre lui plus fort alors que le liquide carmin lui atterrissait dans la gorge au rythme effréné d’un cœur affolé. Au moment où ce rythme ralentit, devenant même erratique, il glissa un regard vers le visage de Ben, un visage devenu pâle dont les yeux d’or s’obscurcissaient jusqu’à devenir d’un brun sombre.

  • Enfin...

Vince rejeta le corps de Ben sur le coté alors que quelque chose lui brûlait les veines, une sorte de feu liquide lui dévastant l’intérieur. Il avait envie de hurler mais n’avait plus de voix. Il voulait sortir mais l’impression que des crochets plantés dans sa peau le retenait immobile. Et les émotions… C’était le pire… De la peur, très ancienne, qui lui agressait les narines avec cette odeur acide et insistante. Et il y avait la haine putride et tenace qui lui tordait les entrailles à chaque fois que son regard se portait sur le corps exsangue de Ben. Une joie sauvage aussi et tout aussi dévastatrice.

En un battement de cœur, tout s'arrêta, les hurlements, les odeurs, la haine, surtout la haine... Ne restait que l'apaisement. Respirer... lentement... Calmer son cœur affolé...

  • Non...

Il voyait la poitrine de Ben se soulever difficilement, ses doigts se crisper à peine. Encore en vie. Encore en vie...

Il ne prit pas la peine de réfléchir et le saisit à bras le corps. Il ne se rendit pas compte que sous ses pas furieux, l'escalier à moitié brûlé cédait. Il ne se rendit pas compte que les dernières lueurs du soleil lui brûlaient le visage. Il ne se rendit pas compte qu'il avalait les kilomètres dans la nuit tombante. Et il s'en fichait.

C'est comme une tornade qu'il pénétra dans les urgences d'Harefield, après avoir suivi l'odeur de la maladie, et, continuant à serrer Ben contre lui, il se mit à supplier d'une voix brisée et haletante:

  • Je vous en prie... Sauvez-le... Sauvez-le!

On lui prit des bras, malgré qu'il s'attache à ses vêtements, malgré qu'il suive les infirmières et le brancard. On le laissa dans la salle d'attente et un interne vint le voir et lui parler. Vince n'entendit pas un mot de qu'il disait. Il ne sentit même pas qu'on lui passait du sérum physiologique sur la joue.

  • Vous avez de la chance... Les brulures ne sont pas profondes. Vous ne devriez pas garder de cicatrices.

Vince ne répondit pas. La seule qui l'intéressait, c'était l'état de sa victime. On lui avait diagnostiqué une importante perte de sang consécutive à une hémorragie au cou. On était en train de lui faire une transfusion.

  • Vous avez une tension correcte. Un peu élevé, peut-être mais vu votre état de stress, c'est normal. Peut-être un décontractant...?

  • Pardon?

Vince venait seulement de remarquer que l'interne avait glissé une brassard gonflable autour de son biceps et reprenait son stéthoscope.

  • Votre tension artérielle. Vous avez le cœur solide.

  • Je... Mon cœur...?

  • Je vous laisse. N'hésitez pas à appeler en cas de besoin.

D'une main tremblante, Vince posa trois doigts au pouls de son poignet et se sentit partir quand il sentit les pulsations qui vibraient sous sa peau.

Désormais... Nous sommes Un.

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 22:13

 

Chapitre 14: Into the Fire.

 

 

 

 

 

La soirée octroyée à Sonatine s'était transformée en quelques heures par semaine en tête à tête et il allait vraiment finir par la tuer... Mais elle insistait toujours, à sa façon, en restant là muette à le regarder, même quand il s'enfermait dans sa chambre à discuter avec Ben par ordinateur ou jouer aux derniers titres qui étaient sortis pendant son absence prolongée. Elle ne disait rien mais il savait qu'elle était là à cause de son parfum à la vanille. Et il refusait de céder. Il l'ignorerait purement et simplement jusqu'à ce qu'elle comprenne ou jusqu'à ce qu'il craque et qu'il se jette dessus pour la dévorer. Ce serait une bonne idée, ça tiens... En plus, il commençait à avoir très faim et la douleur sourde de son estomac se diffusait jusque dans ses veines. Malheureusement aucun vampire d'Amérique du Sud n'avait eu le culot de venir dans le territoire de Sigur. Dommage pour lui. Le moment où il déchiquetterait la gorge de Sonatine approchait à grands pas. Pour être honnête, ça le faisait même sourire. Oui, hélas, le monstre en lui gagnait de plus en plus de terrain.

C'était d'ailleurs le sujet de la plupart des discussions avec Ben. La progression inexorable des deux monstres qu'ils habitaient et le fait qu'ils en prenaient de la place, ces deux salopards! Vince avait même réussi à glisser qu'il était content que Ben ait le sang chaud: Il était l'un des rares qu'il pouvait côtoyer sans avoir envie de le vider de son sang. Encore une fois, l'allusion était tombée à plat. Ben n'avait pas compris ou n'avait pas voulu comprendre. Dans les deux cas, Vince en avait été frustré. Plus que le sang, il lui manquait la sensation d'être bien au chaud dans les bras de quelqu'un. Au chaud et protégé. Il se contentait de fantasmer éveillé en se rappelant l'un de ses anciens amis qui lui avaient dit un jour que tous les homos craquaient un jour pour un hétéro qui leur brisait le cœur. Et bien, voilà. Il était en plein dedans. Mais il ne perdait pas espoir. Après tout, merde! Il n'y avait pas si longtemps, il n'avait qu'à claquer des doigts et faire un sourire en coin pour avoir une chambre pleine d'admirateurs enamourés. Il n'avait qu'à redevenir un peu plus lui-même et multipliait les allusions pour entamer le long et délicieux processus de la tentation. Ben succomberait... Ou plutôt, il fallait qu'il succombe juste pour que le cannibale se sente un peu moins seul.

  • Mauvaise idée...

La voix enfantine de Sonatine le hérissa complètement et il imagina lui jeter quelque chose à la figure. Manque de chances pour lui, il estimait trop son mobilier pour le balancer à la tête de la linotte.

  • C'était pas si mal quand tu te taisais, en fait...

Ne pas lui accorder un regard... Jamais. Ce serait le début de la fin. Il mit même sons casque sur les oreilles pour écouter de la musique. Il fallait juste qu'il se compose rapidement une liste d'écoute avant qu'elle ne se mette à lui raconter sa vie. Et dieu, comme il s'en foutait.

  • C'est comme ça que naissent les Cautions de Moralité... Parce qu'un cannibale ne peut plus rester tout seul.

  • Mais tais-toi...

  • Toutes les Cautions de Moralité naissent d'un amour impossible et jaloux. Enfin... C'est toujours mieux que l'alternative.

  • A savoir?

Et merde, il s'était fait avoir...

  • La destruction totale de l'autre. Peut-être même aller jusqu'à s'en nourrir. Ça, les autres n'apprécient pas du tout.

  • Les autres quoi?

  • Les autres cannibales.

Il préféra reposer le casque et se lever pour se passer le visage sous l'eau. La faim le rendait fébrile et peu patient. Tout le monde savait qu'il devait bientôt se nourrir et l'évitait soigneusement. Il avait entendu que certains lui cherchaient même une proie. Les imbéciles... Ils ne comprenaient pas qu'il ne souhaitait pas leur aide. Sa propre nature était déjà assez dégradante sans qu'il n'ait des complices. Une poche de sang se promena devant son visage alors qu'il relevait la tête.

  • Vous devriez boire ça.

  • C'est quoi ça?

  • Du sang humain, froid et contaminé. Hépatite, je crois. Il allait partir à l'incinérateur. Les plus faciles à voler. Pour le sang sain, j'ai toujours un peu de scrupules.

  • Pourquoi tu me donnes ça?

  • Parce que c'est le meilleur moyen pour un cannibale de retarder sa faim. Un sang qui ne manquera à personne.

  • Pourquoi pas du sang animal?

  • Pas assez proche. Buvez.

Un peu dégouté malgré tout, il approcha la bouche de la valve et aspira une gorgée prudente. Il fut incapable de s'arrêter avant la fin de la poche et il aurait bien voulu que la poche ne soit jamais vide. Il en tremblait même.

  • Comment...?

  • Ca ne vous nourrira pas. Mais ça vous donnera un peu de répit. Le sang mort est ce qu'il y a de plus proche du sang vampirique.

  • Comment tu sais ça?

Sonatine se retourna et sortit de la petite salle d'eau sans plus un mot. Elle ne revint même pas sur ses pas alors qu'il l'appelait. Comme il se souvint qu'il ne voulait pas la voir dans sa chambre, il se dit que ce n'était pas si mal et qu'elle avait du le faire exprès pour le titiller. Très bien joué. Mais les ficelles de la séduction, merci, il connaissait.

En parlant de ça... Le soleil était couché depuis plus de deux heures, il était temps qu'il prenne sa dose quotidienne de loup-garou. Il enfila un pull et sortit par la porte pour une fois. Mal lui en prit. S'il était sorti par la fenêtre, comme d'habitude, il n'aurait pas croisé Christophe, le tout nouveau secrétaire de Sigur, qui le cherchait à voir sa mine.

  • Monsieur? Le Maitre souhaiterait vous voir.

  • Quoi, maintenant?

Manifestement, le petit dernier n’avait pas été briefé sur la propension hallucinante de l’Héritier à discuter les ordres, fussent-ils venus de Dieu le Père en personne.

  • Et bien… oui, maintenant…

Vince poussa un soupir à fendre l’âme et son vis-à vis se crispa, prêt à défendre sa vie si nécessaire. Pour ça, on l’avait prévenu. Quand le Cannibale soupire, tous aux abris. Mais celui-ci ne lui accorda plus un seul regard et se dirigea dans le couloir en trainant les pieds et en pestant à voix basse. Quel sale gosse, tout de même. La moitié du monde vampirique se damnerait pour être à sa place mais celui-ci semblait trouver sa situation nauséabonde. Sa nature de cannibale peut-être… Mais quoiqu’il en fut réellement, sa mort serait une libération pour pas mal de monde.

Arrivé dans le bureau du Maitre, Vince s’étonna de le trouver, non pas confortablement installé dans un de ses fauteuils en cuir mais debout devant une flambée gigantesque, s’abîmant dans la contemplation des flammes mouvantes. Il était toujours impeccablement habillé mais il ressemblait plus à un de ces requins de la finance d’un polar des années noires avec son pantalon gris anthracite, sa chemise blanche retroussée aux coudes et un gilet droit. Pire que tout, il avait l’air soucieux. Vince se retint donc de laisser exploser sa mauvaise humeur. Victor lui passait beaucoup de choses, un peu trop selon le reste de la Cour, mais le jeune vampire connaissait maintenant l’exacte limite à ne pas dépasser. Même s’il lui arrivait presque innocemment d’y poser le pied en entier.

  • Assis.

D’accord. En fait, c’était bien pire qu’il ne le croyait. Jusque là, Victor avait toujours tenu à être d’une cordialité extrême même quand il faisait ses reproches.

  • Qu’est-ce que j’ai encore fait… ?

Vince ne supportait pas ces fauteuils qui vous engloutissent : C’était la plaie pour en sortir rapidement et sans être trop ridicule. Alors il s’assit par terre, à coté du chien qui lui renifla l’oreille avant de s’étendre et de poser sa tête sur le genou du vampire. Ouais… Vraiment aucun instinct cette bestiole.

  • Tu n’as rien fait contre moi ou contre cette cour.

  • Alors pourquoi tu fais cette tête ?

Victor se retourna et fixa son enfant de ses yeux verts. C’est dans ses moments-là que Vince le trouvait particulièrement princier. Il dégageait une telle aura qu’il le mettait mal à l’aise.

  • Tu joues aux échecs ?

  • Euh… Ça m’est déjà arrivé quand je m’ennuyais beaucoup…

  • Tu devrais. Je t’apprendrais un jour. Quoiqu’il en soit, nous avons perdu plusieurs de nos pièces en moins d’une semaine.

  • Ah.

Le cannibale eut conscience que c’était horrible quelque part… mais il n’arrivait pas à s’intéresser à cette guerre. Même si ce conflit allait lui donner de quoi boire en bonne quantité, il s’en foutait. Même l’idée que cela puisse couter la vie à Victor, Clara et même à Charles et à Simon n’arrivait à donner de la consistance à cette menace. Tragique, non ?

  • Tes frères ont décapité trois villes.

  • Combien ??

Preuve qu’il avait quand même retenu certaines de ses leçons… Il était matériellement et vampiriquement impossible que les cannibales aient réussi la décapitation de trois villes : Ils n’étaient pas assez nombreux pour ça et surtout… Merde, les Cours auraient réagi et se seraient mise à l’abri à moins de demander un report de sentence. Mais si Victor avait raison, et aucune raison de douter de ses informateurs… Les cannibales en étaient à six villes depuis le début de l’année. Record battu.

  • Trois. Abidjan, Delhi et Budapest. Trois des plus vieux fiefs de l’Ancien Monde. Et trois de mes alliés…

  • Mais… Ce n’est pas possible… Et je n’ai reçu aucune demande pour me tenir prêt.

  • C’est bien ça qui m’inquiète le plus, Vincent. Que tu sois sciemment mis sur la touche.

  • On estime peut-être que je ne vaux rien comme cannibale…

  • Excuses-moi de détruire tes illusions, mon fils chéri, mais de toute la caste, tu es le plus affamé et le plus dangereux. Le plus contrôlé aussi malgré ton jeune âge. Non, il n’y a que deux raisons pour lesquelles on t’a laissé dans le brouillard. La première, c’est qu’on ne voulait rien me laisser savoir, la seconde est qu’ils espèrent que tu perdes le contrôle et que tu t’attaques à moi.

Victor s’approcha lentement et se pencha sur lui avec un petit sourire.

  • Tu t’attaquerais à moi, mon petit tigre… ?

  • Tu sais bien que non.

  • Même sous l’emprise de la soif ?

  • Je sais surtout que si je t’attaque, je perds un bras. Arrêtes de jouer avec moi !

Victor avait posé une main sur sa joue et la caressait tendrement. Plus que jamais, Vince ne voulait pas penser à ce que ce simple contact suscitait en lui.

  • Vincent, combien de temps encore me résisteras-tu ?

  • Jusqu’à la fin des temps si nécessaire ! Personne ne me touche !

  • Même pas ton loup ?

Le jeune vampire se recroquevilla. La voilà sa plus grande appréhension : Que malgré toutes ses tentatives et même si Ben acceptait, lui-même soit incapable de se laisser d’avantage approcher. Voilà la plus grande tragédie : vouloir et ne jamais pouvoir.

  • Je ne sais pas…

  • Un jour tu sauras. Il est séduit ?

  • Que… Pardon ?

  • L’as-tu séduit ? Je crois employer des mots compréhensibles tout de même.

  • Et bien…Je… Mais ça ne te concerne pas !

  • C’est donc, non.

Incapable de se contrôler d’avantage, Vince mordit la main laissée à sa portée. Même si Victor avait retiré sa main assez vivement, comme lorsqu’on joue avec un chaton, les canines avaient éraflé la paume. Vince gouta les quelques gouttelettes de sang que ses crocs avaient réussi à voler et… Dieu… Le feu de ses veines redoubla d’ardeur. Pourtant le Maitre de Toulouse souriait comme s’il était incapable de voir qu’il ne jouait pas avec une peluche mais avec la créature capable de le terrasser. Il ne fit pas un seul mouvement alors qu’il voyait les yeux de son cannibale devenir encore plus glaciaux que d’habitude et qu’un grondement de faim lui échappa. Mais Vince préféra frapper de son poing sur le sol jusqu’à ce que le parquet vole en échardes.

  • C'est comme ça que tu gères...? Par la douleur?

  • Tu vois une autre solution, peut-être...?

  • Beaucoup d'autres. Mais je ne tiens à t'influencer. Mes solutions ne sont pas les tiennes.

  • Tu l'as dit.

Le Vieux Lion s'assit par terre à son tour et entoura les épaules de son cannibale avec son bras.

  • Mais tu tiens très bien le choc, crois-moi.

  • Bon, tu ne m'as pas fait venir pour me tester et encore moins pour te plaindre de la mort de sangsues dont je me fous complètement. Annonce la couleur que je puisse sortir.

  • Aie. Tu veux pas me mordre, d'abords?

  • Donc, je ne sors pas.

  • Non.

Il sortit de sa poche un billet d'avion.

  • Tu pars ce soir, dans une heure pour être exact.

  • Oh non, non, s'il te plait...

  • Ce n'est pas une faveur que je te demande. Cette fois-ci, c'est un ordre.

Le jeune vampire avait beau le regarder en le suppliant des yeux, Victor resta intraitable même s'il lui embrassa la tempe avec un sourire.

  • C'est aussi pour toi que je le fais. Maintenant, au travail.

 

 

 

Heathrow à minuit. Comme dans toutes les grandes villes d'Europe, personne ne dort, la nuit vit à cent à l'heure. La nuit est juste un changement de luminosité. Le seul évènement qui indiquait que c'était la nuit était que Simon baillait. Souvent. Très souvent.

  • Tu dors pas la nuit?

  • Désolé, M'sieur... Le petit fait ses dents et me fait passer de drôles de journées. Anna a recommencé à travailler la semaine dernière.

  • Pas de nounou?

  • J'en ai pas trouvé de suffisamment digne de confiance pour le moment.

  • Je comprends... Mais si tu veux, je peux te mettre en congés pour quelques semaines.

  • Non, non... Je gère. Et puis on a un sacré boulot à abattre.

  • Choix intéressant de l'expression...

Mais, oui, ils avaient un boulot monstrueux à abattre, même si Simon ne servirait que de chauffeur. Vince avait compulsé le dossier dans l'avion et son Père Vampirique attendait de lui rien de moins qu'une décapitation en règle. Enfin, presque... Aucun autre cannibale sur l'affaire, les Oracles n'avaient rien demandé et Sigur se débarrassait juste d'une de ses rivales en termes de territoire.

  • Tu crois que c'est vraiment la Reine Elizabeth 1ere?

  • Non, je crois pas...

Simon alluma le contact de la voiture de location avant de continuer.

  • Certains vampires aiment bien porter les noms de gens célèbres pour marquer les esprits, vous voyez? Personnellement, j'ai rencontré trois Raspoutine et deux Alexandre le Grand. C'était pathétique.

  • Aucune personnalité...

  • D'une certaine manière, oui... Certaines Cours vivent dans le passé, complétement. La Maitresse ne supportait pas.

  • On la comprend.

  • Enfin... Tout ça pour dire qu’Elizabeth 1ere est un nom qui se transmet à la Cour de Londres depuis pas mal de temps... Mais savoir si c'est vraiment la toute première... Impossible, patron.

Vince reprit le dossier. Il y avait une demi-heure entre Londres et Uxbridge, l'endroit où la Cour de Londres s'était excentrée. Les cibles étaient au nombre de huit. La Reine bien sur et ses sept couchants. Il vérifia dans son sac la présence de la poupée décapitée. Personnellement, il trouvait ça ridicule mais Victor tenait absolument à la mise en scène.

  • Pourquoi la Cour de Londres s'est réfugiée à Uxbridge?

  • Y'a différentes rumeurs à ce sujet... l'explication officielle est que la Reine trouvait l'atmosphère de Londres étouffante et que la direction de la Ville ne nécessitait qu'elle y réside.

  • Et l'explication officieuse...?

  • Y'en a plusieurs. La plus plausible est l'apparition d'une meute de loups, il y a une cinquantaine d'années et qui s'amusait à rendre la vie impossible à la Cour.

  • Des Loups en ville? C'est possible, ça?

Simon haussa les épaules.

  • C'est vous le spécialiste des loups...

  • Pardon? Oh... Non, non, je ne demande rien à Ben.

  • Vous devriez. Moi, c'est ce que je ferais.

  • Tais-toi.

Vince savait que son servant de chasse ne méritait pas ça mais il devenait de plus en plus grincheux et agressif dés qu'il s'agissait de Ben. Peut-être un instinct de protection... et sans doute une bonne part d'égoïsme. Il ne voulait pas mêler Ben au monde des vampires et vice-versa, même quand celui-ci lui demandait quelques explications sur ses humeurs. Il voulait tout simplement garder Ben pour lui tout seul.

Toutes les Cautions de Moralité naissent d'un amour impossible et jaloux...

  • Simon... Excuses-moi...

  • Pas grave. On va mettre ça sur le compte de la faim.

  • Dis-moi... C'est... possible de... transformer un loup?

  • Non, Monsieur. Les deux sont totalement incompatibles.

  • Ah.

  • Enfin, si c’est bien de transformation vampirique dont vous parlez…

  • Ouais, ouais…

Quelque part, ça le rassurait un peu. Il ne pourrait jamais faire de Ben un monstre comme lui parce que le Loup en avait déjà un dans le corps. Il ne le ferait pas basculer dans son enfer. Ca le rassurait autant que ça l’agaçait. Qu’il le veuille ou non, Ben ne serait jamais totalement à lui. Malgré ses relents de moralité, il ne pouvait s’empêcher de penser que c’était bien dommage.

  • Vous avez un plan, Patron ?

  • Strictement aucun. Je ne veux pas jouer, j’ai trop faim pour ça. De toute façon, Victor ne souhaite pas que je fasse dans la subtilité. Je rentre, je tue, je ressors et on repart par le premier avion.

  • D’accord. Patron ? Permission de parler franchement ?

  • Seulement si tu perds cette habitude détestable de me vouvoyer et de m’appeler Patron.

  • Oh, dur… Il n’empêche que je ne comprends pas ce que cherche à faire le Maitre, là… Je veux dire : Qu’il réponde à une déclaration de guerre et qu’il fasse le ménage devant sa porte, d’accord. Mais qu’il vous… qu’il t’envoie tout seul ? Mis à part crier au reste du monde : « Eh, vous avez vu ? Moi aussi, j’ai un putain de cannibale sous mes ordres ! » je vois pas ce qu’il essaye de faire.

Malheureusement Vince dut bien admettre que lui non plus ne voyait pas le tableau dans son ensemble. La décapitation de Londres ressemblait à une petite vengeance mesquine mais à force de côtoyer Victor, il savait qu’il y avait toujours des plans dans les plans dans les plans, des centaines de coups déjà envisagés et préparés et deux fois plus de portes de sortie possibles. Donc, ce qu’il allait faire n’était pas aussi innocent que cela paraissait. Loin de là.

  • Simon, tu joues aux échecs ?

  • Nan. Je trouve ça atroce et long.

  • Et bien… Je crois que nous sommes un leurre. Je vais faire beaucoup de dégâts en très peu de temps, ce qui forcera tout le monde à me regarder. Ou plutôt à regarder la direction du doigt de Victor. Pendant ce temps-là, personne ne verra qu’il a fait signe à d’autres pour des actions plus discrètes.

  • Ah. Pas con.

  • Je ne ferais jamais l’erreur de prétendre que Victor est un imbécile… Jamais.

Laissant tomber le dossier sur le siège arrière, Vince s'absorba dans la contemplation du paysage. Quelques minutes à ne pas penser en se laissant bercer par le bruit du moteur. Le pied. Dommage qu'il y ait tant de camions de pompiers qui les dépassaient...

  • Simon... On est... loin?

  • Cinq minutes.

  • Merde.

Le flic accéléra en prenant conscience que les pompiers venaient peut-être pour leur cible, un simple cottage qui abritait le palais de la Cour de Londres sous trois niveaux. La coïncidence était trop évidente pour être vraie. Et quand ils virent les flammes au loin, ils soupirèrent et s'arrêtèrent sur le bas coté, juste à coté d'un camion de pompiers qui étaient déjà garé là. Vince sortit de la voiture et sortit son portable.

  • Victor... On a un problème... Je... On vient de me couper l'herbe sous le pied: La Cour de Londres est en train de flamber.

 

 

 

Il fallait toujours voir son travail et surtout cette partie là comme un moyen de communiquer avec des gens normaux. Des gens qui mettent leur vie au service des autres et qui savent que la raison profonde de leur sacrifice n'est pas l'argent. Pas avec leurs salaires de misère. Mais ils continuaient et sauvaient des vies. Il trouvait ça absolument magnifique et c'est pour cela qu'il appréciait de les tromper pour éviter qu'ils ne gâchent leurs efforts pour les mécréants. Les vampires de Londres brûlaient et nul besoin d'alimenter le feu de la colère par des vies humaines.

Là, il tenait les mains d'un pompier entre les siennes et expliquait d'une voix douce que non, vraiment... il ne se passait rien de grave. Pas la peine de rester, ce n'est qu'un feu d'artifice. Le sourire apaisé de ces pompiers était son petit trésor personnel. L'assurance qu'il faisait très bien son travail.

La Ford qui se gara non loin attira son regard et il congédia les pompiers d'un geste pour qu'ils rangent le matériel et s'en aillent. Quelque part, il regrettait que ces soldats se prennent des réprimandes demain pour ne pas avoir fait leur travail mais ça valait mieux que laisser les proies vivre. Et en parlant de proie... Les deux qui descendirent de la voiture en avaient tout à fait le profil. Peut-être des retardataires de la petite fête qu'avait organisée la Reine de Londres. Ou peut-être pas. L'un des deux n’avait pas la bonne odeur. Une odeur humaine... Sans doute l'un de ses hommes que les Cours utilisaient pour maintenir une connexion avec leur population citadine. Tant pis pour lui. Il savait forcement dans quoi il mettait les pieds. Il prit son portable et composa le numéro.

  • Ash? Deux autres viennent d'arriver.

Il entendait le crépitement des flammes et la respiration rauque d’Ash. Celui-ci devait vraiment apprécier ce qu'il voyait.

  • Alors dégomme-les.

  • Bien, mon ami. A toute à l'heure.

 

 

 

 

Les instructions avaient été claires : Trouver de quoi il retournait vraiment. La Cour de Londres brûlait, soit. Mais pourquoi ? Et pas d’imprudence s’il te plait. Du coin de l’œil, il voyait les pompiers ranger les lances à incendie alors que le ciel était encore embrasé par le feu. Le pire était qu’il n’avait rien fait mais… Après tout, ce n’était que des sangsues qu’on l’avait chargé de tuer. Que ces vampires de Cour soient éradiqués par un autre, aucune importance. Vince aurait juste aimé savoir pourquoi. L’inimitié des Cours s’était aggravée depuis quelques semaines mais Sigur tenait bien ses alliés, sans doute parce qu’il était le plus puissant.

Et on peut difficilement mettre tout sur le dos du hasard ou d’une conduite de gaz qui explose même si c’était ce que Simon était en train de servir comme excuse aux autorités londoniennes. Les cours passent, les humains restent et les humains se protègent eux-mêmes.

Le premier camion rouge et jaune sortant de son parking improvisé, le cannibale vit quelqu’un qui n’avait rien à voir avec le reste de la situation. Surement pas combattant du feu et encore moins badaud des environs pour une bonne raison. Il ne regardait pas l’incendie, il le regardait lui. Il était grand, le teint mat, les yeux bleus et les cheveux d’un beau brun tirant sur le châtain à la lueur des flammes. Surtout, il ne paraissait aucunement inquiet avec même un léger sourire de connivence, celui qu’on adresse à un excellent ami assis de l’autre coté de la salle de cours. Il portait un fin manteau long qui lui descendait jusqu’à mi mollet et qui le couvrait jusqu’au menton. Vince ne put s’empêcher de penser à un prêtre catholique en soutane, sauf que l’homme était bien trop bien bâti pour prêcher. C’était un combattant. Aucune faim ne le tiraillait cependant, en le voyant. Ce n’était pas un vampire. L’homme porta un doigt sur ses lèvres et intima le silence par ce geste avec un regard à la fois tendre et malicieux, signifiant que ni lui, ni le cannibale ne devaient bouger avant que les pompiers ne soient tous partis. Vince hocha la tête. Il n’avait pas envie d’inclure des innocents dans ce qui allait suivre d’autant plus qu’il était pratiquement sur d’avoir le responsable du massacre d’Uxbridge en face de lui.

  • Simon, prends la voiture et tires-toi.

  • Quoi ?

  • Tires-toi ! Je te rappelle quand j’ai fini.

Le flic aurait bien voulu rester, autant par devoir que par amitié. Ca y’était, il était trop tard, il s’était déjà trop attaché à son vampire. Pourtant Papy Occard l’avait prévenu : On ne s’attache pas aux canines. Eux n’auront aucune pitié pour toi. Pourtant ce Dent de Lait là… Le simple fait qu’il lui ait demandé de se barrer devant un ennemi potentiel signifiait qu’il tenait un minimum à lui. Et merde… Il obéit tout de même, une boule au ventre.

L’homme s’approchait avec une démarche souple de prédateur. Vince se dit que pour ce loup-là, car il était persuadé que c’était un métamorphe, il aurait plus de mal qu’avec le précédent. Déjà que ça avait été une boucherie…

  • Pourquoi avoir renvoyé l’humain ?

Il avait une voix grave et profonde qu’on pouvait écouter jusqu’à en perdre la tête.

  • Tu l’aurais tué en premier pour ne pas avoir à s’en occuper après.

  • Il est vrai. Mais cela aurait pu te donner une petite ouverture.

  • Pas au prix de sa vie.

  • Bien. Quand l’Eternel te jugera, je ne doute pas un seul instant qu’Il ait de la considération pour ce que tu viens de faire.

  • Que… Pardon ?

Mais l’autre ne semblait pas disposé à en dire plus, le temps de cligner des yeux et il était déjà à ses cotés en contrebas le poing filant vers son visage. En se rejetant en arrière, Vince songea très sérieusement à remercier Victor pour ses séances d’entrainement au corps à corps. Les vampires sont très rapides, normalement bien plus que les loups-garous mais celui-là bougeait à la même vitesse que lui.

Je vais avoir très mal…

Deux coups lui furent portés, heureusement dans le vent mais Vince était obligé de reculer et de reculer encore. Les poings qui filaient vers son visage ne lui faisaient pas peur, il avait subi suffisamment de douleur pour ne plus vraiment la redouter mais son adversaire continuait à sourire tendrement. Aucune crispation de la mâchoire montrant un effort ou une volonté de tuer, juste ce petit sourire égal. Comme s’il s’entrainait ou plutôt comme s’il dansait. Vince avait pris l’habitude de deviner les coups par les expressions du visage mais il était maintenant réduit à devoir esquiver ce qu’il voyait du coin de l’œil… Du moins jusqu’à ce qu’un pied ne lui crochète le genou et qu’il se prenne l’autre directement dans le menton, l’envoyant voler un peu plus loin.

  • Tu sais… Si tu l’acceptes, je peux t’achever sans douleur.

  • C’est une plaisanterie ?

  • Absolument pas. Je ne tue pas par plaisir mais par devoir. Je ne souhaite pas infliger plus de souffrance que nécessaire.

  • Je ne souhaite pas mourir !

Et Vince fonça sur l’autre avec un cri de rage. A les voir de loin, on aurait jamais compris qui était le vampire et qui était le loup. Ou on se serait trompé. Mais le cannibale n’était pas fou de rage, juste parfaitement conscient que le combat n’était qu’une succession de feintes et de coups directs. Foncer dans le tas était juste le moyen de préparer son adversaire à une attaque frontale alors qu’il fit exprès de lui passer par-dessus et d’envoyer son coude dans les vertèbres du loup avant d’essayer de lui porter une clé au niveau du cou. Après tout, les Métamorphes avaient besoin de respirer, eux. Peine perdue, cependant, le Lycan était déjà trop loin pour être attrapé et balançait sa main en arrière pour déstabiliser le vampire. Mais les deux se remirent en garde face à face à un mètre de distance.

  • Je suis sincèrement très impressionné. La plupart de mes adversaires se laissent avoir au piège de m’attaquer alors que je suis encore humain et surtout de croire que je suis plus faible comme ça. Mais tu ne feras pas cette erreur.

Et bien, ça, c'était une très mauvaise nouvelle. Un loup qui s'était habitué à combattre en forme humaine pour ne pas avoir à se transformer. Face à lui, Vince se sentit bien faible. Certes, Vampire... Certes, cannibale. Mais il était tellement jeune que c'en était un handicap. Surtout en face d'un Lycan qui respirait la confiance en soi. Il fallait réfléchir, ne plus se contenter de sa propre force, ne plus foncer. Réfléchir...

Réfléchir...

Vince se sentit presque fondre, tous ses muscles se relâcher tandis que, pour une raison qui lui échappait, il se remettait à respirer doucement et à se laisser bercer par cette respiration. Le monde autour de lui perdit ses couleurs mais gagna en netteté. Il se mit à voir les auras et non plus la réalité trompeuse que lui transmettait sa vue humaine. Tout bougeait lentement et en même temps si vite et c’est là qu’il vit enfin les expressions de joie malsaine de son adversaire qui se superposaient sur son visage lisse quand il attaquait. Il put éviter et parer avec facilité mais au vu de l’aura du loup, celui-ci ne laissait aucune ouverture. Il soupira de déception en esquivant un crochet du droit particulièrement vicieux : Il ne pourrait pas gagner.

Du coin de l’œil, le vampire vit quelque chose arriver à grande vitesse et le loup tourner la tête pour comprendre ce que c’était. Il eut juste le temps de sauter avant que la voiture ne le percute et ne l'envoie voler un peu plus loin. Un bon réflexe cependant. Si la voiture l'avait choppé les pieds au sol, il serait passé en dessous. Simon sortit de la voiture en armant son glock.

  • Je crois que je me suis planté de chemin.

A une vingtaine de mètres, le loup-garou se releva péniblement. Il n'était jamais agréable de se prendre une voiture en pleine face mais il s'était plutôt bien rattrapé. Et il devait avouer que cet humain avait droit à son respect. Pour sa loyauté, pour son courage. Quel dommage que ces qualités fussent mises au service de quelqu'un qui ne le méritait pas. Quel dommage aussi que, comme le vampire l’avait deviné, il doive le tuer en premier. Il n’avait jamais aimé tué les humains… Un avis qu’il partageait d’ailleurs avec Ash, comme quoi… Oubliant la douleur de son dos, Il chargea sur l’humain en faisant attention à son arme. Quoiqu’en dise, il était impossible d’esquiver une balle une fois qu’elle avait été tirée mais on pouvait espérer en deviner la trajectoire avant que son adversaire ait pressé la détente. Il eut la chance de juste sentir la balle lui effleurer la joue avant d’envoyer son poing dans la figure de l’humain. Manque de chance, il n’avait pas vu le vampire qui lui sautait dessus et qui lui mordit la cuisse à travers le tissu fin de son pantalon. Il hurla en sentant les terribles canines pénétrer dans sa chair, lui qui avait horreur qu’un vampire le morde…

Comme un chien enragé, Vince essayait de déchiqueter la chair sous ses dents mais quelque chose le força à lâcher prise et il toussa et cracha pour faire passer son dégout. On l’avait prévenu… Le sang chaud, loin de lui apporter le moindre réconfort avait un aspect répulsif sur lui, comme s’il essayait d’avaler du poison. Il vit Simon par terre qui essayait de lutter contre l’inconscience et la désorientation. Le Loup lui en avait balancé une belle et le flic aurait du mal à récupérer rapidement. Peut-être même… Non, ça, non… Il ne pouvait pas laisser faire ça.

  • Stop ! On se calme ! J’abandonne le combat si tu me laisse emmener mon humain à l’hôpital.

  • Abandonner… ?

Pour le coup, le Loup eut l’air vraiment étonné.

  • Je ne suis pas venu pour les Loups de Londres et sincèrement je m’en cogne. Mon seul boulot, c’était la Cour de Londres. Maintenant, tu me laisses partir avec mon humain.

S’il avait pu, le loup aurait poussé un juron bien vicieux, sans doute emprunté au vocabulaire d’Ash mais son éducation était telle qu’il ne pouvait pas jurer sans s’en accuser à son confesseur au plus vite. Et c’était tellement difficile de trouver un prêtre catholique qui accepte de confesser les loups-garous…

  • Tu es venu pour les tuer.

Et tout s’emboita. Le respect du vampire pour son humain allant même à se mettre en péril deux fois pour lui, son dégout pour son sang alors que le sang de loup était un mets très rare et très prisé parmi le monde vampirique… Ce n’était pas un membre de la Cour londonienne. C’était leur sentence. Plus que tout, ce qui confirma l’analyse du loup, c’est de voir Ash arriver dans le fond, toujours recouvert de flammes et trainant par le cou un corps à moitié calciné qui gémissait sourdement. Une victime qu’Ash faisait cuire à feu doux comme il disait… Le regard que lança son adversaire à la victime n’était pas celui de la peur, de l’horreur ni même la satisfaction qu’un mécréant avait ce qu’il méritait… Non, c’était de la faim.

  • Ash ! Lâche-le ! Hurla t-il en se précipitant sur son coéquipier qui éteignit son manteau de flammes.

Heureusement que celui-ci ne se posait plus les questions des ordres que son compagnon lui lançait parce qu’il eut à peine le temps d’entrapercevoir l’éclat d’un regard de glace et celui de deux canines vers sa victime que celle-ci était mise en morceaux dans un déferlement de rage. D’autres que lui auraient détesté voir une des proies lui être volée sous le nez mais il reconnaissait la marque de fabrique des cannibales, aussi il eut un demi sourire qui plissa les cicatrices de son visage et cracha en regardant le carnage :

  • Rest in peace, Bitch…

Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’on voyait la Reine Elizabeth 1ere se faire littéralement bouffer par l’un des cannibales qu’elle avait envoyé contre la Ville de Florence deux siècles auparavant, hein ?

  • Allez, Ash, il faut qu’on s’en aille et vite…

Oulah… Son compagnon était en mauvais état, ça se voyait à sa grimace de douleur et à ses yeux qui commençait à se couvrir d’éclats dorés. La transformation n’était pas loin.

  • T’en fais pas, vieux… Il est venu pour Londres, pas pour moi.

  • Je préfère éviter de vérifier.

Mais avant qu’Ash ait pu répliquer, une main lui avait saisi la jambe et il vit les yeux du cannibale se tourner vers lui. Ash en avait vu des horreurs… On n’est pas exécuteur de Florence sans avoir de quoi peupler ses cauchemars… mais l’abîme de glace qui tournoyait dans ces yeux là lui donna le vertige. Les crocs étincelants et maculés de rouge achevèrent le tableau. S’il n’avait pas eu Domenico dans les bras, il aurait laissé ses flammes le recouvrirent à nouveau pour se débarrasser même temporairement du monstre. De toute façon, il savait que les flammes de ses congénères n’avaient pas arrêté ceux qui leur avaient donné la chasse. Mais contre toute attente, le cannibale le lâcha et parla avec un murmure rauque :

  • Qui est tu ?

  • Personne, Cannibale, Personne… Laisses-moi partir et tu ne me reverras plus.

Ash acheva de se dégager et il recula en soutenant toujours Domenico qui luttait contre son besoin de laisser parler le loup. Le cannibale le regardait toujours en se relevant et le défiait de ses yeux fous.

  • J’ai demandé ton nom !

  • Cenere da Firenze… Je n’ai rien à voir avec tes proies, Cannibale…

  • Alors, dégages avant que je te bouffe !

Ash inclina la tête et continua à reculer, priant, et c’était la première fois depuis quelques siècles qu’il ne le faisait pas pour faire plaisir à Domenico, pour que le cannibale ait assez de contrôle sur lui-même pour ne pas lui sauter dessus. Aussi, il courut très vite, quitte à porter son coéquipier dans les premiers mètres.

 

 

 

 

Le médecin qui avait pris en charge Simon l’avait rassuré : Pas de commotion cérébrale malgré une fracture de l’arcade sourcilière. Malgré les conseils du corps médical, il avait préféré faire rapatrier son servant de chasse au plus vite. Et là... Il appelait Victor.

  • La bonne nouvelle, c'est qu'après vérification de ma part, tout est en règle. Mis à part le début mais bon, ça tu le sais...

  • La mauvaise nouvelle?

  • Les mauvaises nouvelles. Déjà, comme je te l'ai dit tout à l'heure, on m'a grillé la politesse. Au sens littéral.

  • Pardon?

  • Tu connais un certain Cenere Da Firenze? Désolé pour l'accent, je ferais un effort pour mes leçons d'italien.

  • Je t'en serais gré. Mais je ne connais pas ce... Oh, merde. Je viens de comprendre. Je pensais qu'ils étaient tous morts.

  • Qui ça?

  • Les Firenze. Une Cour Vampirique particulièrement haïe de tous. Sans doute parce que la diplomatie chez eux se limitait à faire brûler les étrangers à leur ville. Je crois savoir qu'ils se sont pris une décapitation.

  • Mal faite alors... Et ce type se ballade avec... ( Le problème de parler dans un lieu public, c'était qu'il fallait faire attention à ce qu'on raconte.) un type comme Ben.

  • Je me répète mais... Pardon?

  • Je peux te l'assurer, je commence à les connaître.

  • Magnifique. Tout simplement magnifique. Tu en as encore une?

  • Je... suis bloqué ici pour la journée...

Le silence sur la ligne fut éloquent.

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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 00:08

 

Interlude: Valkyrie.

 

 

 

 

 

 

Le froid, la neige... Tout ça n'était rien pour un guerrier qui passait la moitié de l'année à combattre dans un paysage si blanc que les yeux lui brûlaient. On ne s'habitue pas au froid, on ne combat pas le froid. On pactise avec. Ainsi le voulaient les Dieux sinon Ils ne les auraient pas placés là à les regarder trembler en attendant que le froid perde patience et rompe le pacte.

Non, la seule chose avec laquelle il ne pactiserait pas, hors d'un ennemi bien sur, c'était sa destinée. Il aurait du périr par le fer ou sous les crocs de cette monstrueuse chose, sans doute le fils de Loki, mais certainement pas abandonné au beau milieu de la plaine à pester contre le pourrissement de sa jambe et les douleurs de son dos. Fichue destinée! Il avait combattu depuis l'âge d'homme, il avait tranché tant de têtes que son Ulfric l'avait apprécié pour ça! Bon, ce n'était pas réciproque... mais il s'en accommoderait le temps... Le temps qu'il n'avait plus. Une bouffée de rage manqua l'étouffer à moins que ce ne fut l'infection qui remontait à son coeur. Deux jours qu'il rampait dans la neige pour rejoindre un hameau, une hutte de bucheron, n'importe quoi, deux jours qu'il buvait la neige à même le sol parce que la fièvre était si brûlante qu'il devait se rafraichir fréquemment. Deux jours... Il avait pactisé avec le froid et le froid le sauvait: En été, la gangrène de sa jambé l'aurait déjà achevé.

Il se redressa, d'abords sur ses coudes puis sur ses mains pleines d'engelures et hurla de toutes ses forces:

  • J'ai encore l'énergie de combattre!

Étrangement, malgré la maladie et l'épuisement, sa voix était toujours puissante. On disait souvent qu'il avait la voix du tonnerre. Franchement, un guerrier comme lui méritait-il de mourir comme un vieillard, dans sa propre maladie? Non. Sa destinée était autre, forcément! Il devait mourir l'arme à la main. C'est tout.

  • J'ai encore l'énergie de combattre!

Inconsciemment, il espérait que ses cris attireraient les bêtes sauvages, les loups affamés, et qu'il en finisse une bonne fois pour toute mais l'écho se répercuta dans la plaine blanche sans trouver de réponses. Mourir seul et sans honneur... C'était injuste...

  • J'ai encore l'énergie de combattre!

  • Tu as surtout l'énergie de hurler comme un porc qu'on égorge...

Le guerrier tourna la tête en tout sens pour voir qui lui avait répondu mais rien ni personne... Jusqu'à ce que deux corbeaux se posent non loin de lui, le regardant de leurs yeux pareils à de petites billes noires et tournant la tête... Patientant sans doute jusqu'à ce que l'homme meurt et qu'ils se repaissent de sa chair.

  • Foutus charognards...

Il avait beau savoir que le Père des Dieux aimait les corbeaux, il ne pouvait se résoudre à en accepter prés de lui. Surtout quand ces fichus bestioles s'approchèrent en sautillant sur la neige pour inspecter la marchandise. Il tenta de les chasser d'un geste du bras mais il reculèrent à peine et il s'étala contre la congère.

  • Voilà où est ta place, homme. Le nez dans la fange...

  • Je délire...

Ce n'était pas les deux volatiles qui pouvaient parler... Et il n'y avait rien d'autre aux alentours.

  • Crois-tu?

  • Qui que tu sois, tu n'es pas là... C'est... la maladie qui me parle.

  • Tiens donc... On m'a souvent insultée, très souvent... On m'a maudite, encore plus souvent. Toi-même, tu m'as maudite... Et il n'y pas si longtemps...

Les deux oiseaux croassèrent, semblant acquiescer aux paroles de la femme qui n'était pas visible.

  • Mais c'est bien la première fois que l'on me nomme maladie...

Il se passa la main sur le visage en se redressant. Il grelottait et pourtant il avait l'impression que ses os étaient bouillants. Un regard sur la plaie de sa jambe... L'aspect était atroce et ne guérirait jamais. Il aurait fallu la couper... Quelle importance... Il ne lui restait que quelques heures.

  • Suis-je... déjà de l'autre coté...?

  • Non, tu es toujours dans la neige.

  • Pourquoi...?

  • Pour te punir.

Il se mit à rire. Évidement... Pour quel autre raison était-il en train de souffrir et de perdre tout honneur? Il avait suffisamment fâché les Dieux pour ça. Il en était presque heureux, tiens.

  • Tu as vraiment mauvais fond...

  • Qu'attendre d'autre d'un humain... Répliqua une autre voix, masculine cette fois-ci.

Le guerrier regarda à nouveau les deux corbeaux mais ceux-ci devaient s'être envolés parce qu'il ne les trouva plus. Mais ce devait être ces deux exécrables volatiles... Qui d'autre... Qui? Et c'est là qu'il vit ces deux silhouettes, l'une entièrement de noir vêtue dont les traits étaient masqués par une capuche de laine noire. On ne voyait rien d'elle si ce n'est qu'elle était petite et féminine. Par contraste, l'homme à coté d'elle était grand et tout aussi mystérieux. Mais impossible de deviner son visage sous son manteau de laine blanche, vu que toute lumière disparaissait sous sa capeline.

  • C'est un reproche? Murmura t'elle?

  • Oh, ma Sœur... Tu n'es pas responsable de tout ce qui est mauvais dans ce monde...

  • J'espère bien.

  • Juste de la moitié.

Il s'attendit à ce que la femme se rebiffe et tente de frapper l'homme mais aucun des deux n'eurent le moindre mouvement. Pas plus que leur souffle ne soulevait le tissu devant leurs yeux. Mais il ne supportait pas d'être traité comme quantité négligeable et jeta une poignée de neige sur le couple... La neige les traversa.

  • Je crois que l'humain s'impatiente... Dit-elle.

  • Et alors? Il peut pester et s'impatienter tant qu'il veut, je ne suis pas pour le moment disposé à m'en occuper.

  • S'il te plait...

  • Oh bon, soit...

L'homme s'approcha, glissant plus qu'il ne marchait et saisit les cheveux du guerrier d'une main noire comme la nuit.

  • Sois Heureux, Humain... Ta destinée sur laquelle tu craches avec autant d'acharnement, ce qui est en passant fort insultant pour nous, va être changée. Le Monstre qui t'as pris ta jambe doit-être tué.

  • Et c'est moi que vous chargez de la besogne.

Les deux êtres éclatèrent de rire, ce qui se traduisaient uniquement par le bruit. Les deux êtres ne bougeaient toujours pas.

  • Oh non, non... Pour le tuer, il faut autre chose qu'un humain... ( La silhouette blanche se retourna vers celle plus menue de sa sœur) Il faudra sans doute le changer...

  • Je sais, je sais... cela, je m'en charge. Contentes-toi de changer la finalité.

La tête sans visage se retourna à nouveau vers lui et malgré des années à ne rien craindre, il trembla. Il entrevoyait à peine ce qui se trouvait sous la capeline et ça le terrifiait.

  • Pour tuer le Monstre, il faut une lame patiemment forgée, des années et des années d'affutage et de polissage... Et surtout, il faut l'impulsion pour que cette lame soit parfaite dans son rôle. Nous te donnons cette lame.

  • A moi? Mais je croyais que je...

  • Et nous te prendrons un fils.

N'importe qui d'autre aurait eu peur mais jamais le guerrier ne s'était soucié de ses enfants, pas plus que de la femelle qui les avait portés. Il la nourrissait, par son statut au sein du village, elle était respectée... qu'elle s'en contente. Pour ses enfants, pareil. De toute façon, il en avait trop.

  • D'accord. Mais cette lame a intérêt à être bonne!

  • Elle sera parfaite.

Le guerrier leva la main pour recevoir cette épée et repartir à la bataille. Mais l'homme en blanc le relâcha et s'éloigna sans plus un mot. Il cligna des yeux, incrédule et ne sentant pas la femme s'approcher. Ce n'est qu'en sentant ses doigts à elle lui rentrer dans le crâne qu'il comprit qu'elle n'était pas partie et qu'elle commençait à peine. Heureusement pour lui, il s'évanouit presque immédiatement.

 

 

 

 

Il ne se réveilla pas. Comment pouvait-on appeler réveil ce qui le tira du néant sans douleur mais sans aucune joie. Il faisait nuit, la neige était glacée sous son visage mais il ne sentait pas la brûlure lente de la glace. Il ne sentait pas sa jambe, ni son dos... Rien que la soif. Pourtant, il bougea doucement, peut-être pour épargner ses os meurtris... sauf que ses os n'avaient rien. Il regarda ses mains, sans gants. Elles étaient pâles mais plus d'engelures. Ses ongles n'étaient plus cassés. Il fit jouer les muscles de son dos et tout fonctionnait parfaitement. Tellement soif par contre.

En se levant, il eut l'impression de voir d'autres choses que la neige. Tout vivait autour de lui alors que le jour, tout semblait si mort. Si froid. La nuit était chaude... Et cette soif! Il tendit la main vers la neige pour en prendre un peu mais il suspendit son geste. La neige ne lui faisait pas envie. L'hydromel ne l'étancherait pas.

  • Sigur!

Il se retourna lentement pour voir au loin quatre hommes qu'il reconnut aisément. Il était de son village. Ils l'avaient retrouvé. Ils étaient loin mais le guerrier sentit leur sueur aigre de l'homme qui court dans le froid, il vit leurs fourrures encore raides de froid, il entendit le cliquettement des épées qui n'étaient plus dans les fourreaux. Pire que tout, il entendait le galop impétueux des cœurs et ce bruit furieux le fit sourire. Il inspira longuement et expira tout aussi lentement. Il savourait d'avance le repas qui venait vers lui à toutes jambes. Les fous. Les imbéciles...

Il se laissa tomber en avant et juste à la seconde où il n'aurait pas pu se rattraper, il chargea. La sensation des crocs plongeant dans la chair, le sang chaud qui cascadait dans sa gorge... Jamais auparavant il n'avait ressenti de telles choses... C'était prodigieux. Son seul regret... C'était si court. Tellement court. Mais quatre hommes en pleine force de l'âge, c'était plus que suffisant pour un premier repas. Il se sentait même un peu... Comment dire... ballonné? Il avait trop mangé ou trop bu...

Dieux que la Nuit était belle. Dieux que tout cela était beau! Et Grand! Et...

Il avança, le pas léger, presque sautillant. Même après trois cruches d'hydromel, il ne s'était jamais senti dans un tel état d'euphorie.

  • Vouloir... Tout, tout de suite... Et l'obtenir.

Sigur venait enfin de naitre.

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30 juillet 2012 1 30 /07 /juillet /2012 22:14

 

Chapitre 13: Boys are back in town.

 

 

 

 

Incapable de reprendre son souffle, elle laissait pendre mollement son bras sur la table, effleurant le verre sans jamais arriver à le prendre. Elle était secouée de hoquets douloureux, cherchant à tout prix à prendre la goulée d'air salvatrice, elle en pleurait même, son ventre contracté de spasmes.

Puis, enfin, une grande inspiration... avant de repartir dans le rire tonitruant qui la secouait depuis dix minutes. Le fou rire dans toute sa splendeur; elle en avait les abdominaux qui en hurlaient, c'est dire. Il fallait admettre que depuis que Vince avait décidé de se décoincer un peu plus, il était parfaitement vivable. Et l'homme qu'elle prenait toujours pour un mystère sur pattes n'y avait pas peu contribué. A la minute où elle l'avait compris, elle se mit à saluer Ben avec toujours une petite génuflexion pour le remercier. Un blague. Dont il avait le bon ton de trouver drôle.

Pour le moment, Vince racontait sa mésaventure d'avoir eu comme amants deux de ses chefs de service alors qu'il travaillait encore dans une grande boite. Ses deux chefs qui s'étaient révélés mari et femme en instance de divorce... Ce qui aurait pu être une sordide histoire de mœurs devenait un one-man-show. Du coin de l'œil, Clara apercevait leurs voisins de table qui se retenaient de rire et même un serveur qui faisait des efforts méritoires pour prendre une commande entre deux gloussements. Oui, Vince racontait sa mésaventure en français, certes, pas pour en faire profiter tout le monde mais pour pratiquer. Un consensus entre eux trois: Parler français le plus souvent possible, passer à l'anglais dés que le sujet devenait sensible. Mais la majorité de leurs conversations étaient en français.

En soupirant pour reprendre son calme et buvant une gorgée de jus d'orange pour s'humecter le palais, elle se dit que tout le pouvoir de séduction de Vince était là. Sa beauté bien sur, mais aussi sa capacité à tout faire paraître léger et sans conséquences. Il aurait pu se reconstituer sa cour d'admirateurs; si sa récente ouverture au monde n'était pas hérissé de barbelés. Ils n'étaient pas nombreux à être passé par là, mais étrangement, le cannibale n'en désirait pas plus. Qu'il le veuille ou non, son ancienne vie était derrière lui mais pour la nouvelle, il se sentait encore trop fragile pour accepter autant de monde que la dernière fois. Cependant, il y avait une nette amélioration.

Concernant Ben, elle restait mitigée. Oh, elle l'aimait bien, pas de doute, et d'autant plus depuis qu'il était le premier roc sur lequel Vince s'appuyait pour assurer sa remontée des enfers. Mais lui aussi avait quelque chose de brisé en lui. Impossible de savoir de quoi il s'agissait, Ben ne se livrait pas, même par mégarde. Ce qu'elle avait entrevu lors d'un après-midi de shopping et qu'elle avait pris pour de la paranoïa légère était bien une obsession du contrôle, mais du contrôle de soi: Rien ne devait le surprendre, pas le plus petit événement. Aussi, tellement concentré à ne pas se faire surprendre, Ben n'était plus qu'un homme presqu'invisible qui se contentait d'aiguiller le récit:

  • Et ça c'est fini comment?

  • Atroce... Une interdiction de m'approcher a presque failli faire partie des demandes pour le divorce... des deux cotés!

Ben sourit légèrement et Clara pouffa de rire en imaginant la tête du pauvre juge devant de telles demandes. Le cannibale, lui, préféra pousser un de ces célèbres soupirs avant de continuer:

  • J'ai fini par déposer ma démission et déménager à Miami. Ça devenait trop bizarre pour moi, surtout quand Madame m'a appelé pour me dire qu'elle et son ex-mari avaient institué des « tours de garde ».

  • Non??

  • Si! Chacun avait ses week-ends et une partie des vacances. C'était lamentable... Pour ça que j'ai préféré mettre quelques états entre eux et moi.

  • Tu m'étonnes...

Clara décida de lancer un coup de sonde vers le Roc.

  • Et toi, Ben? Des anecdotes croustillantes sur ta vie sexuelle?

Un regard à droite, un haussement d'épaules.

  • Non, rien.

D'accord, il faudrait un marteau-piqueur pour le mettre à nu celui-là...

  • Juste une question, en fait...

Ah, espoir? Mais Ben passa à l'anglais avec ce charmant petit accent britannique.

  • Trois semaines de privation de sortie?

Vince se rembrunit avec classe et fit signe au serveur de lui resservir la même chose. Un accord tacite entre Clara et lui depuis qu'il avait vu la résistance à l'alcool du Lycanthrope. Clara buvait, mais très modérément, Vince ne pouvait rien avaler, évidement, alors Ben éclusait religieusement ce que les deux hommes commandaient. Aussi le cannibale ne se privait-il pas de commander plus que lui-même aurait bu pour dérider Ben sous l'emprise de l'alcool. Résultat: L'équivalent d'une bouteille de vodka dans les veines et le loup était égal à lui-même.

  • C'était parfaitement humiliant... Marmonna Vince.

  • Pour tout le monde, renchérit Clara.

  • Comment ça?

  • Étant donné que monsieur Sale Gosse ici présent est le second dans la hiérarchie de la Ville, tout ceux qui étaient en dessous étaient punis pareillement. Tu veux que je te dise le pire?

  • Vas-y.

Mais ce fut Vince qui répondit en grommelant.

  • Ils voulaient tous être punis... Trois semaines à vivre avec eux... On se serait cru dans une orgie SM.

Clara s'esclaffa. Ben, non.

  • Preuve que vous n'avez jamais vécu dans une meute, les enfants. Ils n'ont pas fait ça par plaisir mais par devoir et loyauté. Penses à les remercier un jour.

  • Ok... Je pige rien, là...

  • Du point de vue hiérarchique, ils auraient du t'empêcher de faire une connerie.

  • C'est impossible.

  • Ce n'est pas une question de possibilité, mais de partage des responsabilités. De plus, par ce biais, ils te montrent ainsi qu'à l'autre, là, que tu as mérité ta place et qu'ils ne te défieront pas. Pour le moment.

Les deux le regardèrent interloqués alors qu'il éclusait sa sixième vodka.

  • Ça marche comme ça, chez toi?

  • Non. Surtout parce qu'il n'y a pas de chieurs chez nous.

La moue renfrognée de Vince fut charmante. Sans doute parce qu'elle était fausse, se dit Clara. Pour avoir connu les véritables moments de colère du cannibale, elle voyait la différence, surtout dans l'éclat du regard. Encore une fois, elle pouvait en remercier Ben. Mais elle ne le faisait pas. Toujours cette impression étrange que ça allait mal finir... que quelqu'un allait très mal le vivre. Et puis... A force de partager le sang de Victor, son pouvoir augmentait. Elle avait eu peur de finir tout entendre, mais non. Victor lui avait expliqué les limites et le fait qu'elle n'en avait qu'une forme atténuée de télépathie. Elle ne s'en plaignait pas. Mais elle aurait préféré ne pas entendre certaines choses. Comme maintenant d'ailleurs.

Clara savait que l'ouverture de Vince était consécutive à sa rencontre explosive avec Ben. Ce qu'elle aurait préféré ignorer, c'est que Vince faisait exprès de faire le clown. Par pour lui-même, pas pour elle mais pour le loup-garou. Elle se doutait que, seul, Vince retombait dans le morbide. Et puis, merde! Si elle s'écoutait, elle espacerait les rencontres quitte à se mettre le cannibale à dos. Cependant, Celui-qui-doit-être-obéi n'avait pas vu le danger, ce qui signifiait qu'il y voyait un avantage. Il n'avait pas vu qu'en deux mois l'envie s'était tournée en besoin, que Vince en voudrait plus et qu'il se heurterait à un mur infranchissable. Pourtant... Ben faisait quelques ouvertures. Qui lui coutait.

Ça allait mal finir.

  • Eh, Clara... (Vince fit claquer ses doigts deux fois devant son nez) C'est moi, le dépressif. Pas la peine de faire cette tête...

Oulah... Ça avait du bien se voir.

  • Désolée, les mecs. Moment purement féminin de blues. Mais c'est fini, maintenant, c'est bon.

  • Chieuse.

  • Il faut bien que je te donne de quoi râler, mon chou. Répondit Clara en fixant Ben avec un petit sourire carnassier.

  • Et tu fais ça si bien...

Vince se mit à rire, la bouche fermée et le poing devant la bouche pour cacher les canines compromettantes. Ça aussi, ça l'énervait. Être obligé de se cacher lui avait parfaitement convenu dans les premiers temps de sa vie vampirique mais depuis qu'il ressortait, faire attention à masquer ce qu'on lui avait imposé... Et il y avait tellement de choses à masquer...

Le téléphone de Clara vibra dans sa poche et elle s'excusa rapidement avant de sortir du bar pour répondre.

  • Oui, Charles?

Du coin de l'œil, elle vit son petit frère vampirique tenter un nouveau coup de sonde pour se rapprocher du loup-garou. C'était pathétique, puisque sans espoir.

  • Pardon de vous déranger, Madame, mais deux émissaires de Buenos Aires sont arrivés sans autorisation et le Maître n'est pas disponible.

Ah oui... Depuis quelques temps, la vie vampirique à Toulouse était devenu passablement compliquée. La nouvelle selon laquelle le grand prédateur Sigur reprenait sa marche inexorable depuis le fief toulousain s'était répandue à la vitesse de la lumière multipliée par le coefficient de la trouille. Victor trouvait ça hilarant. Clara, moins... Surement parce qu'en tant que Première Compagne, Clara était au moins aussi sollicitée que son terrible amant, mais moins crainte. Enfin... Heureusement que Charles était un second de très grande qualité pour elle et qu'il avait pris les choses en main.

  • Avec ou contre nous? Soupira t'elle en cherchant son paquet de Marlboro et son briquet.

  • Neutre pour le moment, Madame. Mais l'Amérique du Sud s'est toujours placée sous l'égide de Quetzalcoatl et... disons que ce n'est pas très bon.

  • C'est un Grand?

  • C'est un dieu. Enfin, c'est comme ça qu'il se présente. Quant à savoir quel est son véritable rang... Disons qu'ils considèrent cette question comme inconvenante.

  • Ouais... donc, soit il ne sent plus pisser, soit il a les moyens de ne plus se sentir pisser.

  • En termes profanes, oui.

Clara réussit enfin à allumer sa cigarette avant de s'adosser au mur le plus proche. Pour une fois qu'elle passait une bonne soirée avec son cannibale, il fallait que ces crétins de vampires argentins se pointent sans invitation. Elle avait envie de les envoyer paître et de retourner à l'intérieur pour se saouler et cette fois-ci, pour de bon, à grand renfort de téquila. Mais non... Ce serait pire si elle fuyait. Que le maître soit inatteignable, c'était logique, mais qu'elle se permette, elle, de bloquer les procédures... Déjà qu'elle n'avait pas beaucoup d'amis au sein de la Cour de Toulouse mais là... Autant s'accrocher une cible dans le dos. Heureusement que Charles était là et l'avait prévenue à demi-mot.

  • Bon... Qui est de permanence, ce soir?

  • Hélas pas grand-monde. Du moins pas assez pour une audience au palais. Ils ont bien choisi leur moment.

  • Chopes-moi Sonatine et Allegro. Ils ont vingt minutes pour me rejoindre à « La couleur de la culotte ».

Silence sur la ligne. De l'autre coté, Charles se disait qu'il n'y avait que la Première Compagne pour oser traîner dans un endroit avec un nom pareil. Puis, avec un soupir, il composa le message pour les deux gardes du corps de sa maitresse.

  • C'est fait, Madame. J'attends la confirmation. Puis-je humblement vous offrir mes conseils?

  • Tu sais que tu n'as pas besoin de ma permission pour m'offrir quoique ce soit.

  • Navré, Madame. Mais ça me rassure de me conformer aux usages et aux règles de la bienséance.

  • Accouche, s'il te plait... Je viens d'interrompre une super bonne soirée pour souhaiter une bonne nuit à deux emmerdeurs de Buenos aires, alors je ne suis pas d'humeur à rester très classe.

  • Je vois. Techniquement, vous êtes déjà dans l'état d'esprit qu'il faut: La colère froide. Mais, par pitié: pas d'attaque sans provocation.

  • Tu me prends pour qui, Charles? Tu crois franchement qu'avec mes cinquante kilos toute mouillée je peux me permettre de les savater?

  • Je sais surtout qui vous avez appelé en renfort, Madame.

  • Rhoooh, mais non, c'est juste parce qu'ils présentent bien.

  • Bien sur, Madame, J'y crois autant qu'à mon retour sur le trône de France. Ah! Vos gardes du corps sont en chemin. Soyez prudente, Madame.

Clara lâcha un merci un peu pincé et raccrocha avant de finir sa cigarette et de s'en rallumer une. Oui, bien sur, Charles avait raison... Elle n'avait pas choisi sa délégation du soir parce qu'elle présentait bien, même si c'était la première chose à laquelle on pensait en les voyant. Sonatine et Allegro étaient deux transfuges de la défunte Cour du Vatican avant qu'elle ne soit absorbée par la Cour de Rome et laissée à l'abandon. Tout deux étaient des vulgates lorsque Victor les avaient rencontrés et utilisés comme servants de cœur, joli terme vampirique pour prostitués au service des invités d'une cour. Mais ce ne fut pas pour ça que Victor les avaient appréciés. Ces deux là avaient comme passe-temps de se venger de certains de leurs clients imposés et de semer les germes de la discorde. Ils étaient très doués. Et ils ne s'étaient jamais fait prendre, sans doute parce qu'un VRP du nom de Victor Drake leur avait donné de quoi couvrir leurs traces.

En voyant Sonatine et Allegro sortir de la petite berline de ce dernier, Clara se dit que les apparences étaient vraiment trompeuses. Sonatine portait délicieusement son nom: une petite chose fragile et légère, virevoltante et éphémère. Ses cheveux d'un blond presque blanc cascadaient sur ses épaules en mèches raides et son visage mutin parsemé de tâches de son très claires invitaient à la trouver « trop mimi » plutôt que diablement sexy. Depuis qu'elle était devenue Hiérarte levante, elle avait abandonné les robes cintrées pour des jeans délavés et des tuniques pastel qui la grandissaient un peu sans la vieillir. Au contraire. Pourtant, elle était morte dans les années soixante et aurait pu sans aucun souci être la mère de Clara. Et de Vince. Quand on la voyait avec Allegro , soit les trois quarts du temps, on pouvait penser à un jeune homme obligé de faire le chaperon pour sa cousine ou la petite sœur d'un copain. Du moins, tant qu'on n'avait pas vu le feu de ses yeux noisette.

Allegro jouait dans un registre différent même si on ne l'aurait jamais cru capable de briser une nuque sans émotion. Il faisait exprès de s'habiller de façon sexuellement agressive avec ses pantalons taille basse, bardés de chaines et de clous à peine atténués par de sages T-shirt noirs ou gris avec parfois un symbole stylisé en vert phosphorescent dans le dos. Il avait les cheveux emmêlés et hérissés de façon très artistique à la manière d'une fourrure féline, en mèches rousses (naturelles) et noires (Jolie teinture aile-de-corbeau) et les yeux d'un vert sombre. Mais le plus frappant, c'était sa peau. Vampire, oui, surement, mais sa carnation était éblouissante. Pas le marbre blanc des plus vieux vampires qui se négligeaient mais quelque chose de laiteux et de satiné avec quelques ombres roses stratégiquement placées. Une peau à caresser en somme. Un superbe spécimen, mince et de taille moyenne et qui, parait-il, était un très bon danseur. De quoi oublier qu'Allegro aimait vraiment briser les os et était un spécialiste de l'interrogatoire.

Pour le moment, et comme la moitié du temps où on les voyait ensemble, Allegro et Sonatine s'engueulaient copieusement et manifestement, ils avaient passé tout le trajet à le faire.

  • Je comprends vraiment pas ce que tu peux lui trouver! Criait Allegro avec un petit accent méditerranéen.

  • Je te répondrais bien que ça ne te regarde pas... Mais en fait, tu ne peux pas comprendre.

  • Putain, me sors pas cette connerie! C'est la phrase typique des gonzesses qui ont rien à dire. Ou qui ont rien dans le crâne, pauvre cruche!

  • Non, mais tu t'es regardé?? T'es tellement défoncé que t'as plus aucun neurone qui se touche, pauvre taré!

Arrivés devant elle, la dispute s'éteignit tout à coup. Peut-être parce que Clara avait son air blasé et une envie folle de commander une téquila. Ce fut Allegro qui brisa le micro silence.

  • Bonsoir, Madame.

Tous les vampires de Toulouse étaient atrocement polis avec elle. Et avec Vince. Une fois, elle avait demandé le pourquoi de cette attitude et il avait répondu avec son vocabulaire si particulier: « J'obéis aux ordres, Madame. Si le Maître me demande de me pencher en avant pour me la mettre bien profond avec du gravier, je lui dirais oui et merci de votre délicate attention. »

Clara alluma sa cinquième cigarette de la soirée et les regarda se mettre au garde-à-vous.

  • Ça y'est? C'est bon? On peut se mettre au travail?

  • Oui, Madame... Pardon pour l'éclat...

  • Excusez-moi, Madame. Intervint Sonatine en minaudant comme une petite fille. Il est là?

Clara comprit de qui elle parlait et elle soupira. Sonatine était sans doute la seule de toute la cour à avoir posé un regard plus que gourmand sur Vince tout en sachant pertinemment que c'était un cannibale et qu'il avait déjà tué. Souvent. Elle n'espérait qu'une seule chose, c'était de lui servir d'escorte. Malheureusement pour elle, Vince se baladait seul.

  • Oui, à l'intérieur et avec quelqu'un...

la vampire blonde ne comprit pas l'interdiction voilée et émit un petit cri ravi en battant des mains avant de se précipiter à l'intérieur en marmonnant:

  • Il faut que j'aille le saluer alors...

Clara se frotta le visage et préféré se concentrer sur la mine renfrognée d'Allegro.

  • Elle va comprendre un jour qu'elle risque de se faire bouffer?

  • J'en doute, M'dame.

  • Bon, passons. Tu as l'adresse?

  • Charles m'a tout filé, ouais. Un coin un peu craignos mais on fera pas tâche.

  • Vous êtes équipés?

  • Toujours, M'dame. Vous voulez qu'on vous équipe aussi?

  • Non, mais tu m'as regardée?

Il prit un air navré en la dévisageant et lança un regard appuyé vers l'entrée du bar. Oui, il avait raison, Sonatine était aussi effrayante que Clara. Voire moins, puisque , mis à part deux minuscules clous avec des perles roses, elle n'avait aucun piercing ni tatouage. Une vraie petite fille sage... Tout le contraire de Clara.

  • Tu sais très bien ce que je veux dire!

  • Oui, M'dame.

  • Et arrêtes de jouer au soumis avec moi, ça m'agace!

  • Oui, M'dame.

  • Tu le fais exprès?

  • Oui, M'dame.

  • Et ça l'amuse en plus...

Allegro affichait la légère crispation du zygomatique droit qui était le prélude à l'éclat de rire. Il était l'un des rares vampires à ne pas se formaliser de l'allure ni des éclats de la Première Compagne. Au contraire. Comme tous, il n'aurait pas imaginé cette petite poupée moitié Punk, moitié gothique aux cotés de Sigur mais il était content qu'elle refuse de rentrer dans le moule. Au mépris de sa propre sécurité en passant, mais ça donnait au vampire l'occasion de jouer des poings et briser quelques crânes. La paradis pour lui, avec caution royale.

Mais il se rembrunit immédiatement en voyant le cannibale de Toulouse sortir du bar, les yeux blancs et froids et essayant de se dégager plutôt poliment de Sonatine qui lui avait kidnappé le bras.

  • C'est quoi ce délire?

Dio mio, même sa voix charriait des glaçons et Allegro eut un mouvement de recul involontaire. Peu de gens pouvaient se targuer de faire peur au garde du corps mais le cannibale en faisait partie. Oh, pas à cause de son impressionnant palmarès en si peu de temps, le Levant de Chasse aurait pu en faire autant s'il avait voulu, mais ses yeux, bordel... Rien que ça proclamait le monstre.

  • T'excite pas, Vince. Juste une petite urgence que je dois gérer.

  • Je récupère mes affaires et j'arrive.

Mais avant qu'il ait pu se retourner pour rentrer dans le bar, la Première Compagne lui avait pris le poignet et le regardait dans les yeux sans ciller. Allegro devait bien admettre qu'il admirait le contrôle du cannibale. L'humaine n'aurait pas pu le retenir s'il avait voulu.

  • Le trip du Grand Frère, ça va bien cinq minutes mais je n'ai pas envie de gâcher ta soirée. De plus, tu crois que j'ai demandé le couple infernal uniquement pour leurs jolis minois?

Sans le savoir et sans le vouloir, Clara venait de dérober un gros morceau du cœur d'Allegro: elle venait de les opposer au cannibale et les plaçait comme vainqueurs. Si Sonatine faisait la moue, c'était parce qu'elle avait compris que Vince ne viendrait pas avec eux, malgré sa petite manœuvre. Allegro, lui, ne put empêcher un petit sourire qui ne passa pas inaperçu aux yeux du cannibale... Hélas.

  • Ça te fait marrer, crétin?

Les mots qui lui tombaient dessus comme des pierres remirent Allegro au garde à vous avec un visage neutre. Il ne pouvait pas se permettre de défier le deuxième vampire de Toulouse et bientôt d'Europe. Il en crevait d'envie, rien que pour le sport, mais il ne pouvait pas. Même quand Vince l'attrapa par le col pour que leurs deux visages ne soient plus distants que par un souffle, il se força à garder les bras le long du corps, les poings crispés mais loin de la cible potentielle. Malheureusement, il avait une vue imprenable sur la tempête de neige qui grondait dans ses yeux.

  • S'il lui arrive quoi que ce soit, je te brise tous les os et je te laisse rôtir au soleil, c'est clair?

Que dire, franchement, mis à part acquiescer? Mais bon... Allegro devait admettre que le cannibale avait la bonne attitude et de bonnes priorités: Nul doute que le Maître lui aurait donné, en substance, le même ordre. Vince le relâcha en le repoussant un peu? Deux mâles qui se défiaient et le regard de Clara fut assez éloquent sur ce qu'elle en pensait, ce qui eut pour conséquence de faire reculer Allegro d'encore un pas. Même Sonatine avait pris quelques distances. Le dernier à se rendre compte de la tension fut le Monstre.

Là, Allegro fut choqué. Il s'était franchement attendu à ce que l'Héritier retourne dans le bar sans un regard ou à la rigueur qu'il reste dans sa colère... Mais certainement pas qu'il baisse la tête et que la couleur de ses iris s'assombrisse jusqu'au bleu ciel. Dans un instant d'irrationalité, le vampire fut jaloux. Quoi? Lui aussi trouvait la Première Compagne à son goût? Mais il oubliait que de toute la cour, il était le seul à ne pas avoir le droit de la toucher, même si elle l'avait voulu.

  • Désolé... Marmonna le Monstre, véritablement contrit.

  • De la part de Victor, je peux admettre. Il est trop vieux pour changer... Mais toi...

  • J'ai dit que j'étais désolé...

  • Retourne à l'intérieur et passe une bonne soirée. Je te revois à l'aube, parfaitement en forme grâce à ces deux là. Compris?

  • Ça me gène un peu...

  • Vince... Si je me pointe avec toi, ça voudra dire que j'ai une sérieuse dent contre eux. Malgré une soirée foutue en l'air, ce n'est pas encore le cas.

  • Tu es sure?

  • Je vais te tuer.

  • Ok, j'y retourne.

Il lui planta un baiser sur le front et repartit dans le même mouvement. Avec un soupir, Clara se dirigea vers la berline.

  • Déjà, gérer l'ego de Victor est presque au dessus de mes forces... Mais vos combats de coqs...

  • J'essaierais de ne plus le faire, M'dame.

Sonatine éclata de rire en prenant place sur le siège du mort.

  • C'est ça, ouais... De la part de n'importe qui d'autre, je l'aurais cru, Al...

  • Ah, tiens..?

Clara boucla la ceinture de sécurité avant de résister vaillamment à l'envie de finir son paquet de cigarettes.

  • Et oui, très chère dame! Allegro a une sérieuse dent contre Messire Vincent.

  • Sona... Gronda le dit vampire en montrant les canines et en démarrant la voiture.

Elle avait beau l'aimer comme un frère, Clara se doutait bien que Vince ne remportait pas l'unanimité. Loin de là... Deux raisons majeures: Parvenu et Cannibale. On le méprisait pour sa haute situation malgré son jeune âge mais surtout parce qu'il terrifiait tout le monde. C'était douloureux pour elle même si Vince semblait très bien s'en satisfaire.

  • Pourquoi?

La question était partie toute seule même si Clara connaissait déjà toutes les réponses à cette foutue question.

  • Parce qu'il est jaloux.

  • Sonaaaaaa!

Ah, d'accord... Celle là, on ne lui avait pas encore faite.

  • Dieu tout puissant, mais pourquoi?

  • Oh, c'est simple, très chère Dame... Commença la vampire avec l'air de lécher de la crème sur ses babines.

  • Sonatine. C'est à Allegro que je pose la question.

Mais Allegro semblait vouloir s'emmurer dans le silence. Si ça n'avait pas été la Première compagne, il aurait sans doute continué à se taire dans un mutisme boudeur. Mais bon... Levant de chasse était certes une place enviable mais ce n'était pas assez justifier ses caprices.

  • C'est que... J'aurais bien aimé être à sa place.

  • Tu sais, les hautes sphères, c'est pas aussi chouettes qu'on pourrait le croire. Vince te laisserait la place de grand cœur.

  • Non... Je parle de son statut de cannibale.

Clara en resta muette à dévisager le vampire dans le rétroviseur et à essayer de deviner s'il se foutait d'elle.

  • Ben oui, M'dame... Avoir le droit et la puissance de tuer qui on veut, c'est génial. Et puis, il fait peur à tout le monde. Ça aussi, j'aime bien.

Elle vit Allegro d'un autre œil et ce n'était pas très plaisant. Oh, bien sur, depuis qu'elle connaissait le couple infernal, elle se doutait qu'ils n'étaient pas très sains d'esprit ni l'un ni l'autre. On ne commence dans la prostitution vampirique pour finir dans l'assassinat sans en être un peu abîmé. Mais, bizarrement, elle avait toujours cru qu'Allegro était plus solide que Sonatine. Comme elle s'était trompé...

  • Cette place aussi il te la laisserait de grand cœur.

Au moment où elle avait marmonné cette phrase, elle se rendit compte que ce n'était pas très intelligent. Personne ne connaissait la psyché des cannibales mais personne n'imaginait non plus qu'ils puissent être malheureux ou dépressifs...

Dont acte:

  • Sans vouloir vous froisser, M'dame, c'est un genre qu'il se donne.

  • Vraiment?

  • Bien sur. L'assassin malheureux et asocial, ça a son charme. Même Sonatine s'est laissée piéger.

  • Non, mais dis donc!

  • T'es une greluche, Cara mia... mais je t'aime bien. Mais t'es une greluche.

Clara préféra couper court.

  • Stop! Pas de disputes tant que je suis à portée d'oreilles. Je suis déjà assez énervée comme ça, n'en rajoutons pas.

  • Pardon, Madame. Firent-ils dans un ensemble parfait.

La Première compagne préféra regarder Toulouse défiler par la fenêtre en décidant qu'elle ne dirait rien à Vince. Pas besoin d'en rajouter... vraiment pas... Victor n'apprécierait pas que son fils se fasse les crocs sur l'un de ses vampires juste parce qu'il le jalousait!

Oh, misère... la migraine la reprenait. Elle se pinça le nez juste entre les deux yeux pour faire passer la douleur.

Allegro avait raison: Le quartier n'était pas terrible et ils ne faisaient pas tâche, sauf peut-être Sonatine qui paraissait trop menue et trop innocente pour trainer à minuit à coté d'une gothique percée de partout et d'un échappé de rave-party. Mais Clara trouvait plus perturbant de devoir rencontrer deux émissaires dans un HLM. Quant à ses gardes du corps, ils étaient passés en mode professionnel: pas un mot, le regard mobile et prêts à sortir les armes si nécessaire. Eux aussi sentaient que quelque chose clochait. Clara s'empêchait de parler pour ne pas les déconcentrer mais elle n'était vraiment pas tranquille.

En règle générale, les émissaires d'autres cours descendaient à l'hôtel. Comme Charles avait des contacts à peu prés partout dans la région, on savait qui venait et pour combien de temps. Que ces deux là aient choisi de s'installer dans une zone humaine « pure » et d'un standing plus que discutable était incompréhensible. Même un vulgate envoyé en ambassade n'aurait pas osé déconsidérer ses maitres en s'installant là, surtout sans s'annoncer. C'était suicidaire, dangereux... et stupide.

Ou extrêmement provocateur, au choix.

Clara chassa ses mèches noires de son front en essayant de cacher qu'elle était morte de trouille. Après tout, c'était le cinquième groupe d'émissaires qu'elle allait voir toute seule et, grâce au ciel, tout s'était bien passé. Même avec le représentant de Kyoto, qui avait été impressionné par sa culture et ses connaissances sur l'époque Heian, alors que la Cour de Kyoto n'était pas en très bons termes avec Victor. Une sombre histoire de partage de territoires qui avait mal tournée.

En jetant un coup d'œil à Allegro, elle fut surprise de lui voir une moue de soutien et une lueur inflexible dans le regard. Sonatine avait les mêmes. Ils la protégeraient et elle se sentit un peu moins oppressée même si elle ne put retenir un léger raidissement de la nuque quand son garde du corps frappa trois coups à la porte. La femme qui ouvrit semblait échappée de l'imagerie populaire concernant les princesses incas, si ce n'était son teint pâle et ses yeux noirs sans aucun éclat. Clara se dit qu'il était dommage de se couvrir d'or et de broderies multicolores pour n'avoir au final aucun charisme... Mais la princesse sans charme se contenta de s'effacer devant eux pour leur laisser le passage.

L'homme qui était dans le salon, assis dans un canapé qui avait connu des jours meilleurs, ne s'en tirait pas beaucoup mieux que sa compagne. Il était moins pâle mais la vie qui avait déserté son corps transformait la peau dorée d'un indien d'Amérique du sud en teint bilieux d'un malade d'hépatite C. Teint qui n'était pas arrangé par le costume blanc et le borsalino.

  • Le Grand Serpent à plumes adresse son intérêt à la compagne du maitre de Toulouse.

En une seule phrase, il venait de réussir à insulter le trio. Déjà, sa voix avait l'intonation de quelqu'un qui sort du lit ou qui s'ennuie profondément. Ensuite, il avait parlé du maitre de Toulouse en oubliant que celui-ci était l'un des Douze. Enfin... histoire de bien insister, il avait parlé en premier alors que le code diplomatique vampirique ( et Dieu savait que Charles le lui avait suffisamment seriné pendant des semaines) , c'était à elle de parler en premier et de donner la permission de répondre. De la part de Victor, ce serait passé tout seul et ce serait seulement le lendemain que son interlocuteur aurait compris l'insulte. Étrangement, Clara se sentit désarmée face à tant de mépris voilé. Allegro et Sonatine échangeaient des regards entre la surprise et la colère.

Il fallait qu'elle se ressaisisse. Elle se composa un visage dur et froid et pinça les lèvres. Soit elle répondait, soit elle lâchait ses deux fauves... Comme elle aurait voulu avoir les conseils de Victor en ce moment!

  • Son intérêt m'importe moins que des excuses. Qu'est-ce que vous faites ici?

Un peu dur, certes, mais le léger sourire de Sonatine la réconforta. Elle devait être forte, non seulement pour elle et pour Victor, mais aussi pour les deux assassins qui risquaient leur peau pour la sienne. Cela dit, si ça n'avait tenu qu'à elle, elle aurait laissé le couple infernal faire du carpaccio des deux émissaires.

  • Négocier.

  • Et bien, c'est mal parti...

  • De mon point de vue, non. Mais je ne m'attendais guère à mieux de la part d'une... humaine... compagne d'un parvenu.

Allegro ne put retenir un feulement de rage tandis que Sonatine dégainait son simple couteau. Clara, elle, était abasourdie. C'était du suicide.

  • Franchement... Vous espérez négocier quoi en m'insultant?

  • Votre reddition.

Au fin fond de sa mémoire, Clara s'était toujours demandé comment donner un exemple de l'expression: « Tomber de Charybde en Scylla » Et bien, là, on y était. On y était d'autant plus quand elle sentit le fil glacé d'une lame courbe contre sa gorge. Tout le monde avait oublié cette salope de princesse sans charme qui la menaçait maintenant de lui ouvrir la trachée et peut-être la jugulaire au passage. Sonatine était toujours fixée sur l'émissaire mais Allegro s'était retourné pour voir la prise d'otage. Ses yeux verts brillaient de fureur.

  • Vous menacer la Compagne de Premier Prédateur, siffla Sonatine avec suffisamment d'acide dans la voix pour percer un coffre, et vous parlez de reddition?

  • Stupides créatures... Vous avez cru le mensonge de Drake... Mon maître EST le Premier Prédateur.

Première solution, donc... Quetzalcoatl ne se sent plus pisser.

  • Alors pourquoi ce lombric déplumé n'est pas venu en personne pour éventer la supercherie?

Borsalino perdit son flegme et explosa.

  • Silence, Humaine! Tu n'es même pas digne de me regarder alors baisses le regard!

Mais Clara refusa de baisser les yeux. Elle n'avait pas survécu jusque là à passer entre les gouttes pour se faire humilier par le serviteur abject d'un vampire fou. Elle savait qu'elle se mettait en danger, ainsi que les deux autres et le fragile équilibre de la cour mais ça, non. Elle ne se soumettrait pas.

Point final.

Au moment même ou elle se décida à lâcher les chiens, Allegro se jeta en avant pour saisir le couteau qui la menaçait de sa main gauche et quelque chose situé derrière l'oreille de Clara. Sans doute les yeux de la Princesse sans charme au bruit spongieux qu'elle entendit. Sonatine était déjà sur son propre adversaire et luttait avec en l'insultant avec toute la furie romaine dont elle était capable. Si Victor l'avait entendu, il aurait froncé les sourcils avant de signifier que de tels mots n'avaient rien à faire dans la bouche d'une jeune femme... avant d'éclater de rire et de lui en apprendre de bien pire.

Cependant... C'était la première fois que Clara comprenait la différence entre humains et vampires. Les quatre suceurs de sang virevoltaient dans un ballet aérien et mortel et s'envoyaient des coups aussi puissants que l'impact d'une voiture lancée à 100 Km/h. Elle... Elle se contentait d'être ballotée entre les protagonistes en espérant ne pas mourir. Dieu qu'elle se sentait faible... Non, pire! Un fardeau. Si elle n'avait pas été là, le couple infernal aurait pu s'en donner à cœur joie. Là, ils étaient obligés de faire attention à cette petite poupée de porcelaine qui ne devait en aucun cas recevoir la moindre fêlure. Pire que faible. Un fardeau.

Elle aurait du accepter une arme à feu. Oh, non... C'aurait été pire. Avec son habilité légendaire, au mieux, elle aurait tiré en l'air, au pire, fait un joli trou dans le front de Sonatine. Tombée au sol comme une masse, Clara luttait contre son envie de vomir, tellement elle se dégoutait. Une petite chieuse sans intérêt qui avait eu la chance de tomber entre les griffes d'un maitre vampire, voilà tout ce qu'elle était et voilà tout ce qu'elle aurait du rester, à servir du café infect et à se dessaper pour une bande de vieux pervers. Elle ne méritait pas Victor, elle ne méritait pas Vince et son attitude de grand frère et encore que deux vampires tarés se sacrifient pour elle...

Et merde, non...

Non.

Non!

  • Ca suffit!

Clara elle-même fut abasourdie par la puissance de sa voix. Elle avait du se faire entendre jusqu'au Bagis... Pourtant, elle était debout, soutenu par une rage froide, les poings crispés. Tout le monde la regardait avec stupeur. Allegro avait continué à marteler la Princesse en la tenant par l'orbite vide. Sonatine était coincée sous l'émissaire et tentait de le griffer au visage. Mais là, tout le monde s'était stoppé pour la regarder, bouche bée, sans possibilité de battre un cil.

S'il restait du dégout en elle, c'était juste parce qu'il s'était allé à l'auto-apitoiement. Personne n'avait besoin d'une petite poupée pleurnicharde. Elle se battrait. Autant pour les autres que pour se mettre dans la tête qu'elle valait quelque chose. A ses pieds, elle récupéra la dague courbe de la Princesse et avança vers l'émissaire.

  • Si j'étais d'humeur, murmura t'elle avec une voix qu'elle reconnut à peine, je vous laisserais la vie sauve pour que vous alliez raconter que j'entérine la déclaration de guerre.

Clara saisit les cheveux de l’émissaire et lui passa la lame sur la gorge d’un coup sec. Le sang qui cascada sur Sonatine ruina définitivement sa tunique mais à voir son sourire hystérique, elle adorait ce genre de douche.

  • Mais je ne suis pas d’humeur.

Un seul hochement de tête à la poupée tueuse et celle-ci se déchaina sur sa victime à l’aide d’un pied de lampe jusqu’à ce que le crâne de cet insupportable poseur ressemble à une citrouille oubliée au beau milieu d’une voie rapide. Quand elle se retourna, Allegro tenait toujours sa proie par l’orbite mais était derrière elle et la forçait à tendre le cou avec un sourire carnassier : Prête au sacrifice. Le dernier œil qui lui restait était immense de terreur.

  • Toi, tu raconteras ce que tu as vu. Et tu diras que le moindre vampire de Quetzalcoatl osant poser un pied sur le territoire de Sigur lui sera retourné en si petits morceaux qu’il faudra des siècles pour les identifier !

Si elle avait su qu’un jour elle se comporterait comme une mafieuse…

  • Et pour être bien sure que tu as tout compris…

Clara donna la dague à Allegro et désigna l’épaule de la demoiselle. L’assassin de Rome n’eut pas besoin de plus pour comprendre le geste : il la coucha au sol et lui attaqua l’épaule à grands coups de dague pour en séparer le bras. L’humaine aurait du être dégoutée. Elle aurait du vomir ses tripes en regardant le spectacle d’Allegro qui faisait exprès de ne pas soigner son travail et en écoutant les bruits atroces des os et des cartilages qui cédaient sous la pression, des tendons qui claquaient et de la chair qui se déchirait. A coté, les hurlements de la Princesse étaient presque agréables. Quand Allegro se retourna vers elle, un genou en terre, pour lui présenter le répugnant présent, elle le prit comme s’il s’agissait d’un vulgaire parapluie.

  • Oh, et tu as deux heures pour débarrasser le plancher.

Toujours avec le bras dans la main, Clara se dirigea vers la porte sans autre forme de procès. Allegro boitait bas et se tenait le bras mais comme Sonatine, il n'oublia pas de cracher sur la Princesse avant de sortir. Elle les sentait tous les deux blessés mais gonflés à l'adrénaline alors qu'elle même... Rien. Rien du tout. C'en était effrayant. Même quand elle parvint à une poubelle, en bas de l'immeuble pour y jeter son macabre trophée, elle était toujours d'un calme surréaliste.

Adossée au container, elle regarda son couple de gardes du corps. Oui, ils avaient eu mal. Les griffures que Sonatine portait au visage commençaient à disparaître mais les marques sur son décolleté semblaient plus problématiques, sans oublier l'un de ses poignets qui était gonflé au delà du raisonnable. Pour Allegro, manifestement la Princesse sans charme avait gardé un autre coté qu'elle lui avait planté à l'arrière de la cuisse et l'avait tourné dans tous les sens. D'où sa boiterie. Mais les deux souriaient béatement comme après un bon film.

  • Ça faisait un peu Kill bill, non?

Ils s'esclaffèrent et elle-même se mit à sourire. La … Chose qui la soutenait jusque là s'évanouissait peu à peu et elle fut prise d'une irrépressible nausée. Heureusement que la poubelle était juste derrière elle. Elle sentit les mains de ses deux anges noirs lui tapoter le dos et lui prodiguer force « Ça fait toujours ça la première fois... » entrecoupées de « Tu te souviens à Venise quand... ». C'était surréaliste mais elle n'aurait pas voulu quelqu'un d'autre que ces deux assassins pour lui tenir la main alors qu'elle regagnait, tremblante, l'abri de la voiture.

 

 

 

 

Elle était un peu nerveuse. C'était la première fois qu'elle rentrait dans l'antre d'un autre vampire sans y avoir été invité et sans personne pour l'accompagner. Bon, elle savait qu'elle ne serait pas mal accueillie mais... Toujours cette petite appréhension...

Au moment de frapper à la porte, celle-ci s'ouvrit sur une jeune femme parfaitement vivante et avec les yeux aussi vides que sa tête. C'aurait été impressionnant si elle n'avait pas déjà vu Allegro faire ce tour aux humaines qu'il fréquentait.

  • Oh, salut! Vous venez voir Al? Il est sous la douche et moi je dois partir! Amusez-vous bien!

Et elle partir en gloussant comme une petite fille.

Clara se demanda comment de tels spécimens pouvaient exister mais elle rentra quand même pour s'installer sur le canapé lit qui était encore défait. L'appartement était curieusement vide. Le strict minimum... Mais Allegro ne venait ici que pour recevoir ses repas. Rien de plus.

Les évènements de la veille avaient eu des conséquences mitigées. La guerre n'était pas une bonne nouvelle mais Victor avait semblé s'y attendre, mieux, il y était préparé. Vince s'en fichait royalement mais il l'avait serrée contre lui et adressé un merci contraint au couple infernal. Sonatine avait été radieuse malgré le sang qui la couvrait et Allegro avait consenti à moins faire la gueule face au cannibale. Non, décidément, ces deux-là ne s'aimeraient jamais... Et puis tout le monde s'était embrasé dans une activité de ruche...

Avant qu'elle ne puisse poser la question, Victor lui avait murmuré:

  • Non, je n'y suis pour rien. J'aurais bien aimé mais tu as fait ça toute seule.

Ce qui posait plus de questions que ça n'en résolvait... Ô joie.

  • Madame?

Allegro était sorti de la salle de bains, habillé et avec une serviette sur la tête. Il boitait toujours un petit peu. Sa superbe peau était aussi un peu plus rose suite à une transfusion de Bimbo.

  • Je suis honoré de votre venue mais...

  • Ne t'inquiète pas. J'ai une bonne raison d'être là. Mais d'abords, comment vas-tu?

L'assassin continua quelques secondes à se frotter la tête avant de jeter la serviette sur une chaise.

  • Rien qu'un peu de sang ne puisse guérir, merci de votre sollicitude. Et merci du petit cadeau pour Sonatine, elle a vraiment apprécié.

Clara sourit en y repensant. Elle avait déployé des trésors de persuasion mais elle avait obtenu que Vince accorde un peu d'attention à la petite poupée tueuse en récompense. Résultat, il avait « consenti » à lui accorder une soirée, mais pas plus et dans les limites du raisonnable. En clair, elle était priée de ne pas abuser de la situation.

  • C'était trois fois rien... Mais ce qui m'embête, c'est que je ne sais pas quoi t'offrir à toi. D'autant plus que je vais te demander une autre faveur.

Allegro en resta abasourdi quelques secondes et eut le réflexe qu'il avait toujours eu en pareil cas: celui de regarder derrière lui pour voir si on ne s'adressait pas à quelqu'un d'autre. Stupide réaction puisqu'il était tout seul.

  • Tout ce que vous voudrez, Madame. Vous pouvez me demander n'importe quoi.

    • Attends de savoir ce que c'est avant d'accepter.

    • Inutile, je me jetterais au feu pour vous!

    • Tu préfèreras peut-être te jeter au feu...

Mais elle lui expliqua son plan. Le sien propre, sans aucune intervention de Victor, en long en large et en travers. A voir la tête de l'assassin, elle sut qu'elle avait fait le bon choix: Lui aussi trouvait ça délirant, tout abîmé qu'il soit.

Tout ça allait mal finir...

très mal finir...

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 10:59

Oui, je sais, on s'en cogne.

 

Mais il fallait un titre et j'ai trouvé que celui-là donc, il suffira.

 

 

Juste une petite note pour vous annoncer que le chapitre 13 est fini, il n'y a plus qu'à faire la relecture et le recopiage sur Ordinateur.

 

Il sera suivi de l'interlude N°2 qui se nommera "Valkyrie" et qui sera à propos de ... (Retenez vos cris hystériques) Victor. Merci pour mes tympans.

 

Il y aura aussi une nouvelle section dans ce blog: Age of the geek, qui traitera de ma propre geekitude et de mon inaptitude à être normale.

 

Bonne journée à vous et bon anniversaire, patron!

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 18:05

 

Décembre 1917, Secteur de la Marne.

 

Il tremblait. Il y avait de quoi. Outre la neige qui tombait en flocons épais et que le vent leur collait au visage, les flaques de boue qui gelaient autour de leurs godasses trouées et le relent de la pourriture qui luttait vaillamment contre le froid, il y avait aussi la peur. Enfin... les peurs... Celle présente de se prendre le coté de la tranchée sur la figure (C'était arrivé à une tranchée française. Le pauvre gars qui était dessous était mort, étouffé par la boue.), la peur de l'assaut de demain avec la chance de se vautrer dans un trou d'obus avec la neige qui recouvrait et la peur rétrospective de la balle qui avait emporté son casque et sa petite sœur qui avait sifflé à son oreille alors qu'il plongeait en arrière pour récupérer la dérisoire protection.

Le froid, il s'en fichait. Il avait eu froid toute sa vie et il accueillait cette sensation comme une vieille connaissance qu'on aimerait ne plus voir, mais on est obligé... C'est le seul boucher du village. Mais la peur de mourir... Passés ses sept ans et ses cauchemars d'enfant, ses nuits avaient été peuplées par sa terreur de la mort. Il se rêvait allongé dans un cercueil, sous terre et lentement dévoré par la pourriture. Résultat, il n'en dormait plus la nuit... Ce n'était qu'au bout de trois jours qu'il pouvait espérer dormir une nuit complète, la fatigue intimant à ses rêves de lui foutre la paix. De ce fait, s'il avait grandit, beaucoup, ses nuits blanches lui avaient pris toute possibilité d'avoir des muscles. Un brin de paille, un très grand brin de paille qu'on disait au pays. Et maintenant, on pouvait dire qu'il ressemblait à un balai avec sa barbe et sa moustache mal taillée. Oh, on avait le droit de se raser, mais c'était tellement pénible qu'on évitait. Et puis... des poils supplémentaires quand on avait froid... Mieux valait garder cette aubaine.

C'était l'heure de la soupe et le cantinier passait à toute vitesse entre les écuelles pour y verser deux louches de sa tambouille afin qu'elle soit encore chaude. Peine perdue, c'était déjà froid. Une soupe de betterave et de fenouil n'avait déjà rien de ragoutant chaud mais là... avec trois flocons qui tombaient dedans sans fondre instantanément... Dans les yeux de chaque soldat, il y eut cette immense lassitude de se retrouver, pas en enfer, mais pas loin... Pourtant, d'un seul mouvement, ils éclusèrent tous leurs écuelles en trois lampées, puis le quart de bière, en trois lampées également, puis les biscuits... Morne repas, morne soirée avec le spectre de la Mort par au dessus.

Il devait admettre qu'il était admiratif de ses camarades... Certains étaient tellement blasés qu'ils ne la voyaient plus cette mort prochaine... Ou alors, ils la conjuraient en lui demandant de venir les prendre... Ce qu'elle ne faisait pas et qui les faisaient cracher avec leurs chiques: « Dieu a un putain de sens de l'humour. »

C'était la nuit, il faisait froid et il était de garde. S'il avait su... Après tout, il n'était pas plus courageux que les autres et même sa maigreur de roseau l'aurait plus placé parmi les moutons que parmi les chiens de berger. C'était comme ça. Il l'avait toujours pris avec philosophie, attendant une occasion de montrer qu'il valait mieux. Comme tant d'autres avec lui, il avait cru que la mobilisation lui donnerait cette occasion. Se comporter en héros, retourner au pays avec un peu de gloire, revenir avec un plastron de galons. S'il avait su que la gloire comportait autant de crasse, d'engelures et de terreur, il serait resté un mouton. Avec plaisir, même.

  • Eh, Gamin!

C'était son sergent, suivi par son ambulanciers qui avaient la mine aussi hâve que lui.

  • On va dans le no man's land pour récupérer une patrouille. Bouge tes miches.

Finalement, ça ne le dérangeait pas de bouger un peu, de se dégourdir les jambes. Il n'avait pas envie de finir comme décoration de la congère qu'était la tranchée. Alors, il se leva, fit tomber la neige de sa redingote qui commençait déjà à être raidie par le froid et ajusta sa besace et son fusil pour montrer qu'il était prêt.

Il savait que le sergent l'aimait bien, surtout parce qu'il ne discutait pas les ordres. Contrairement à pas mal de monde, le sergent aimait bien les moutons. Alors, ils partirent sans un mot dans l'immensité neigeuse. Oui, une patrouille manquait, sans doute fauchée par ceux d'en face. Peu d'espoir de retrouver un survivant mais bon, on abandonne pas non plus les morts. Ils marchèrent péniblement parce que la neige était déjà haute et que la visibilité n'atteignait pas dix mètres. Il se demanda fugacement comment ils allaient retrouver le chemin mais des gémissements l'interrompit dans sa réflexion. Comme des pleurs d'enfant.

  • Sergent...

  • J'ai entendu. Je crois qu'on a un survivant.

  • De chez nous?

  • On s'en cogne. De toute façon, la guerre est fini pour ce pauvre type.

En quelques mots, le sergent venait d'exprimer ce que tous ressentaient dans les tranchées et qu'ils appelaient de leurs prières à voix basse: Pourvu que je sois blessé gravement, pourvu qu'on me fasse prisonnier... Pourvu que cette guerre s'arrête! De toute façon, elle ne rimait plus à rien. Alors, par compassion, par espoir aussi que ce geste leur soit rendu, ils allèrent d'un seul pas délivrer ce pauvre bougre de la pire saloperie que les hommes ont inventé, la Guerre. Les gémissements leur servaient de balise auditive et au fur et à mesure qu'ils approchaient, le brin de paille comprit que les pleurs étaient des mots dans la langue de l'ennemi. Il était le seul de leur petit groupe à comprendre les suppliques que leur portaient les rafales de vent.

  • J'veux pas crever... J'veux pas crever...

Il en éprouva un surcroit de compassion. Après tout, il aurait pu être là, assez blessé pour ne plus pouvoir bouger mais pas suffisamment pour ne pas s'accrocher à sa dérisoire étincelle de vie. C'est dans cet élan de communion d'esprit qu'il continua vers son frère d'armes inconnu, le pauvre gars qui aurait peut-être sa récompense: rentrer chez lui. Il ne vit pas que la neige était devenue rose, puis rouge pâle. Ce ne fut que quand elle apparut bien carmin avec des morceaux identifiables d'autres êtres humains qu'il comprit qu'ils étaient tombés sur un sacré carnage. L'un des ambulanciers se mit à vomir, l'autre faisait des efforts méritoires pour ne pas l'accompagner et le sergent se répandait en jurons. Lui... Il regardait l'homme au milieu de tout ça, relativement intact si on le comparait au reste, même si son visage était atrocement mutilé, donnant l'impression que son seul œil visible était plus grand. Un oeil qui reflétait l'horreur et qui était fixé sur lui.

  • Fuyez... Fuyez... Elle est encore là...

Avant que quiconque ne songe à demander de quoi il parlait, il fut balayé en arrière et la mère de toutes les terreurs se dressait à sa place, immense, noire et affamée. D'un coup de griffe, elle fit voler la tête du sergent et ses immenses crocs saisirent le corps décapité pour le broyer d'une seule morsure. Les ambulanciers se mirent à hurler en prenant leurs armes mais lui... Il était paralysé. Ce ne fut qu'en entendant le silence qu'il comprit qu'il était tout seul. Tout seul avec cette immense masse de ténèbres dont les yeux rouges et les crocs étincelants ressortaient, promesse de massacre.

Hurle, cours, désespères toi... et MEURS!

  • Je ne veux pas mourir...

Les lâches font de formidables soldats quand on les a poussé à bout. Ils se battent pour faire taire leur terreur... Dur à arrêter... C'est ce que dut se dire la Bête Affamée quand le soldat lui fonça dessus, baïonnette au canon, rien que pour survivre. Pauvre fou...

  • J'veux pas mourir!

 

 

La neige avait cessé de tomber deux heures auparavant et une aube grisâtre peinait à chasser les relents de boucherie de la nuit. Les cris avaient cessé bien avant, même si la tranquillité n'était pas revenu pour autant.

  • J'suis pas mort...

Un souffle faible au milieu du carnage, un homme à genoux, les épaules basses à essayer de réunir des choses autour de lui. Il était couvert de sang et quelques lambeaux de vêtements. Le pire, c'est qu'en ce matin de neige au beau milieu de ce no man's land oublié de Dieu, c'est qu'il n'y avait aucun bruit, aucun chant d'oiseau pour faire croire que cela n'était qu'un mauvais rêve de plus. Non, la lumière crue du petit matin dévoilait l'horreur sans aucune pudeur. Huit hommes étaient morts, certains allemands, d'autres anglais et un neuvième au milieu de tout ce sang glacé et qui n'arrivait à se raccrocher qu'à une certitude:

  • J'suis pas mort...

Et à se demander comment c'était possible. Pourtant, il avait tout vu, il était là, il sentait encore la gueule monstrueuse lui attraper le flanc, son foie éclater sous la pression alors qu'il essayait de planter son reliquat de lame, une baïonnette brisée, dans l'œil de la monstruosité. Il souleva le pan de laine qui recouvrait sa hanche droite, poisseuse de sang et de boue, et ne vit que du rouge. Se frotter les yeux n'arrangea rien, ses mains et le reste de ses manches étaient couvertes de boue rouge. Autour de lui, ce n'était que de la boue sur deux ou trois mètres de diamètre. De la boue, du sang, de la chair, des os...

  • J'suis pas mort...?

On pouvait en douter... Si ça se trouvait, il était déjà en enfer et était condamné à rester au milieu du carnage pour les siècles des siècles... Un seul moyen de le savoir, hélas. Il se leva, son flanc droit l'élançant jusqu'à lui arracher un cri et fit quelques pas pour atteindre la neige. C'est là qu'il s'aperçut qu'il était pieds nus. Pas à cause du froid. Mais parce que c'était mouillé.

  • J'suis vivant...

Une constatation qui le rassura. Il avait du délirer de fièvre et imaginer ce monstrueux animal alors que lui et ses compagnons avaient du prendre une torpille sur le coin du râble. Seul survivant. Désolé, tout le monde...

Il se retourna sur le carnage et adressa une prière muette aux morts d'où ils viennent et s'apperçut que la plaque d'identification qu'il portait au poignet était manquante. Dangereux, ça. Alors il farfouilla un peu partout sans s'étonner de ne plus ressentir de douleur. Non, ce qui le perturbait, c'était le trou de mémoire: impossible de se souvenir de son nom. Il saisit une plaque gisant dans la neige. Les cristaux de neige qui la maculaient ainsi que la boue et le sang qu'il avait dans les yeux l'empêchèrent de la lire correctement, mais il reconnut « WI » et ça lui sembla suffisamment familier. Il garda précieusement la plaque dans la main, vu que la chaine était brisée et il se mit à marcher. Il n'avait pas froid, mais la faim lui donnait des crampes d'estomac. Sans oublier la fatigue qui lui hurlait de se coucher là et de dormir quelques heures. Mais bon. Il était vivant et il aurait été stupide de mourir de froid parce qu'on a sommeil, non? Il se gratta la joue qui le démangeait, sans voir que des morceaux de chair morte tombaient en pluie noire sur la neige.

Ce ne fut que quand il trouva une petite crypte dont la porte avait été soufflée, sans doute par une autre torpille, que la fatigue ne lui laissa plus aucun choix. Il tomba, recroquevillé sur lui même, endormi.

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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 22:26

Avant que je me fasse péter le bide au chocolat, une petite séance d'auto flagellation...

 

Pardon d'avoir mis tant de temps...

 

Pardon...

 

Je suis désolée...

 

Et demain, vous aurez une petite surprise.

 

Nanèreuh.

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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 22:23

 

Depuis l’âge de quinze ans, Vince n’avait pas eu cette peur viscérale de la tempête à caractère paternaliste : C’était à cet âge là que ses propres parents avaient compris toute l’inanité de la chose, que leur fils chéri ne les écouterait pas d’avantage et qu’après tout, avoir passé la nuit avec des copains à faire des tournois de Mortal Kombat, ce n’était pas si grave, surtout quand leur progéniture revenait certes fatigué mais ni drogué, ni alcoolisé. Et comme le lendemain c’était dimanche… Aucune conséquence malheureuse sur sa scolarité. Pour ses autres fugues _dont la plus longue dura quatre jours pour fêter son diplôme avec toute l’équipe de basket dans un casino de Las Vegas_ sa mère se contentait d’un « J’espère au moins que tu t’es bien amusé… » et de lui tendre un petit déjeuner complet.

Vince doutait que Victor ait les mêmes attentions… Déjà parce qu’un petit déjeuner complet constituait maintenant en un autre vampire et que son tendre protecteur l’avait appelé soixante-quinze fois et pas que pendant la nuit. En revenant au Bagis, il s’était fait étreindre par toute la cour, au comble du soulagement. Son intuition lui disait que Celui-qui-doit-être-obéi avait du être particulièrement en colère. Et le faire sentir. Beaucoup. Le vampire pouvait presque sentir les dalles envahies par la glace et les fenêtres ouvertes qui laissaient passer les rafales chargées de neige… en plein mois d’Aout. La nuit allait être longue et pénible. Et puis, il hésitait… Se présenter comme un petit garçon conscient de sa faute et se dandiner sur ses pieds ? Comme un ado rebelle qui s’en fiche et qui claque la porte (Mais ceci n’avait pas l’attrait de la nouveauté, hélas) ou comme s’il n’était rien passé de grave… ? Sauf qu’il s’était passé quelque chose de grave. Ses trois ongles manquants n’en étaient qu’une toute petite preuve.

Soupir. Encore une fois. Les rares courtisans présents en venaient à développer des crises de panique en entendant ce son.

Le jeune vampire savait qu’il devait aller voir Victor avant que l’Hôtel de Pierre n’implose sous le poids de sa colère mais il ne pouvait pas s’y résoudre. Il avait passé une si bonne soirée qu’il n’avait pas envie de la gâcher pour une engueulade en bonne et due forme. Stoppé en plein milieu du couloir, Vince temporisait. Il faisait semblant de consulter son portable, de réfléchir, de rajuster sa chemise, retour sur le portable comme si ce bout de plastique allait lui donner le moyen d’éviter la mercuriale… En clair, il ne voulait pas y aller. Il appela même Occard pour lui donner l’adresse de Ben et lui demander d’opérer un « nettoyage » de l’appartement. Oui, le locataire est au courant. Non, pas besoin de lui mentir, c’est un ami… enfin un repas sur pattes… Enfin… Bref ! Demerdez-vous !

Vince prit son courage à deux mains et osa rentrer dans le saint des saints. Victor était là, assis dans un fauteuil en cuir noir et habillé d’un costume noir, sans cravate et le col légèrement ouvert sur sa gorge d’albâtre. La chemise était gris anthracite, ce qui ne laissait comme tâche de couleur que ses yeux verts et ses cheveux blond sable. Le roi des Glaces en personne. Pour parachever le tableau, il tenait un livre relié de cuir et doré à la tranche et de l’autre main, il tapotait en rythme sur l’accoudoir à l’aide de ses ongles qui avaient la transparence du diamant. Il y avait même un de ces chiens, grand, noir de pelage avec la tête rouge brun qui vous regarde d’un air digne et patricien. Impossible de savoir si le tableau avait été peint à son attention mais la représentation de la colère froide et de la réprobation muette était trop parfaite pour être due au hasard.

Vince se tassa un peu quand les yeux de Victor lui sautèrent au visage, le transperçant de part en part, sans réelle fureur mais avec une insistance glaçante. Ce regard fila ensuite vers un fauteuil en face de lui, intimant au jeune cannibale de s’y asseoir et surtout de bien vouloir la fermer. Vince s’empressa d’obéir, observant les prémices de la tempête qui promettait de devenir Katrinesque.

Mais Victor replongea dans son livre, se caressant le menton de l’index et laissant le chien se rendormir à ses pieds. Il désirait sans doute prolonger l’attente, les secondes s’égrenant au rythme de l’horloge murale dont les mouvements de la fine aiguille devenaient assourdissants au milieu de l’épais silence. On entendait aussi la respiration du chien, parfaitement calme et apaisé, heureux de dormir dans un îlot de sérénité. A croire que cette fichue bestiole n’avait aucun instinct puisque Vince qui n’en menait pas large, n’arrivait même pas à bouger de peur de faire craquer le cuir de son fauteuil. Un regard sur l’horloge… Déjà un quart d’heure d’écoulé. Victor avait donc décidé de le laisser mariner dans son jus le plus longtemps possible. Immonde salopard… Fort de ce constat, Vince se força à se détendre. De toute façon, ça ne servirait à rien de continuer à s’inquiéter : le Maitre ne lui accorderait rien pour le moment.

Victor ferma son livre d’un coup sec, faisant sursauter tout le monde.

  • Waouh ! Laissa échapper Vince avec un rire nerveux. Magnifique…

  • Merci, je savais que tu apprécierais l’effort de composition.

  • Non, franchement, bon rythme et montée dramatique…

  • Ne crois pas que tu vas t’en tirer par des compliments.

Silence… Le jeune vampire songea que c’était la première fois, et Dieu sait qu’il avait eu des situations conflictuelles à régler, que son coté doux et son jolis minois ne servaient à rien. Victor bouillonnait lentement et même le chien, retrouvant miraculeusement son instinct de conservation, transporta son espace de sieste plus loin… Prés de la porte au cas où.

La voix du Maître de Toulouse était trompeusement calme.

  • As-tu la moindre idée de ce que tu m’as fait subir ? As-tu la moindre idée de l’inquiétude qui m’a rongée en sachant que tu as passé la journée dehors ?

  • Avant que tu ne me fasses le couplet de la culpabilisation du mauvais fils, je te signale que j’ai dormi en séc…

  • Tu ne peux pas dormir. Tu es un cannibale.

  • Ce n’était pas du sommeil, d’accord… Mais j’ai été inconscient et…

Sans lui laisser le temps de poursuivre, Victor était déjà sur lui, à ouvrir la chemise que lui avait prété Ben, à le palper, à le regarder sous toutes les coutures. Malgré la position inconfortable dans laquelle son tortionnaire le pliait, le jeune vampire pouvait voir les traits de celui-ci se déformer sous l’effet d’une terreur rétroactive. Malgré sa régénération, il devait encore porter les traces cachées de ses blessures. Des imprécations dans une langue inconnue montèrent aux lèvres de Victor et un autre style de colère commença à poindre dans ses yeux. Vince préféra couper court.

  • Il est mort. Pas la peine de te mettre dans des états pareils.

  • Il a souffert ?

  • Il n’est pas mort dans son lit…

Mu par un sentiment nouveau, Victor ne put s’empêcher de serrer son enfant dans ses bras presque jusqu’à lui briser les os. Et peut-être le ferait-il ! Hier, quand il lui avait donné l’ordre de pourchasser le loup, il était sur que Vince ne trouverait rien. Comme le lui répétait le maitre du temps avec une suffisance insupportable, il existe un monde entier entre une minute et une heure. Mais là, on parlait d’une journée complète ! Il fallait que ce loup soit fou ou stupide, ou les deux pour être resté sur son fief! Et Vince l'avait trouvé et combattu... au mépris de toute sécurité.

Victor serra plus fort, sans prendre garde aux gémissements des articulations malmenées.

  • Tu me fais mal... Murmura Vince dans un souffle, ses poumons se vidant sous la pression.

Victor n'en avait cure. Il expérimentait la douleur du père face à l'enfant qui a frôlé la mort. Pour la première fois, il comprenait les paroles d'un autre père dans des circonstances qui lui échappaient et dont il n'en avait cure: « Si je le revois, je l'embrasse, je le cajole... et je le tue! » Ça résumait très bien ce qu'il ressentait pour le moment.

Il lui prit le visage entre ses mains et le regarda avec une intensité qu'il n'avait jamais eu jusque là, comme s'il ne l'avait pas vu depuis des années. Il scrutait les yeux, les pommettes, le front, les lèvres. Encore une fois, il fut submergé par la beauté de sa machine de mort, de son petit tigre. Comment pouvait-il émouvoir comme ça tous ceux qui le regardaient? De plus le sang vampirique lui donnait un aspect satiné et nacré du plus bel effet. Qu'il soit apeuré, en colère, amoureux et même endormi, il attirait le regard. Fugacement, il songea à Chandra, spectre sans consistance, et admit dans son for intérieur que lui aussi aurait voulu cet ange... Exclusivement.

  • Racontes-moi ce qu'il t'est arrivé.

Le jeune vampire s'exécuta d'une voix incertaine mais Victor se moquait royalement du récit. Vince aurait pu lui raconter n'importe quoi, même lui lire le résumé d'une émission de télé réalité, ça aurait été aussi bien. Le but était d'entendre cette voix, de voir ses lèvres bouger... se laisser bercer... Mais il tiqua au nom de Ben.

  • Qui ça?

  • Ben... L'étudiant chez qui m'avait attiré le loup... Celui qui m'a hébergé ce jour... très gentil d'ailleurs et fan de jeux-vidéos comme moi...

Il en disait trop. Victor connaissait ce genre de tour de passe-passe. On noyait l'autre sous un flot d'informations pour en cacher une seule et on espérait que ça passerait inaperçu.

  • Qu'est-ce que tu ne me dis pas?

Hésitation, panique dans le regard. Ce devait être très gros et très important.

  • Vincent...? Ne me caches rien, s'il te plait...

Ce n'était pas parce qu'il était redevenu Sigur qu'il devait abandonner les armes que Victor avaient patiemment forgé. La culpabilité... Quelle merveilleuse lame courbe et dentelée, dont la morsure profonde vous atteignait jusqu'aux tréfonds de l'âme. Impossible d'y échapper à mois d'avoir un cœur de pierre et Victor savait que celui de son enfant était doux, palpitant et gorgé de ses espérances d'amour. Même si le Vieux Lion faisait mine de s'en moquer et de le larder de piques cyniques, il n'aurait pas voulu qu'il en fut autrement. Son seul regret était qu'il n'aurait jamais la chance de se nourrir sur cet organe palpitant et de sentir cette vie trembler sous sa langue.

Hum... Heureusement que Vince ignorait quels fantasmes il pouvait susciter parfois...

  • C'est... C'est un … Loup-garou, lui aussi. Mais un loup solitaire! Il a été transformé contre son gré et ne supporte pas les meutes... Tu ne vas pas lui faire de mal, hein...?

Tiens, tiens... un autre loup... Victor resta de marbre pendant que Sigur supputait. Un loup solitaire. Les loups solitaires ne vivaient pas longtemps. Si les vampires admettaient avec condescendance l'existence des V.R.P., ce qui leur permettait d'avoir messagers, coursiers, diplomates et contractants à moindre coût, Sigur savait que les meutes de loups ne voyaient pas d'un bon œil l'intrusion d'un solitaire sur leurs territoires. Cela amenait de la dissidence et ce n'était pas bon. Que la meute d'ici le pourchasse, quoi de plus normal. Qu'il y ait survécu suffisamment longtemps pour s'être installé comme étudiant... Voilà qui méritait qu'on s'y attarde un instant.

  • Je te promets que je ne lui ferais aucun mal. Et même que je n'enverrais personne contre lui, à moins qu'il ne le mérite. Ça te va?

Victor mentait comme un arracheur de dents. Dommage que Vince n'ait pas encore assimilé cette information.

  • Mais continues... Je t'ai interrompu.

Cette fois-ci, le récit n'avait pas pour but de laisser à Sigur l'occasion de se repaître de son tigre mais celui de réfléchir et d'organiser sans qu'on l'interrompe.

Il se doutait que Vince ne souhaitait pas partager son nouveau camarade de jeu... Quel dommage... Mais quand il s'agissait de la sécurité des siens, Sigur se fichait bien de leurs désirs.

 

 

 

L'enquête avait été facile. Encore une leçon que Vince devait apprendre: Quand on voulait garder quelque chose à soi, on le cachait soigneusement, on ne demandait pas à son servant humain de faire le nettoyage. Occard s'était montré réticent à donner l'adresse et le nom, mais il avait fait diligence. Normal, il y était forcé. Mais Victor appréciait la loyauté. Dommage qu'Occard fut le dernier de sa lignée à les servir, mais en écoutant Charles, il avait compris la réticence du servant à donner son esclavage en héritage... Et bien, ce serait vite vu. On leur laissait leur liberté. Vince s'en chargerait.

Mais là, Victor se tenait pile à l'endroit où son petit dernier avait pris place pour traquer sa proie. Un loup solitaire... Impossible d'y croire. Cela dit, il avait du mal à appréhender le fait qu'un loup ait pu en laisser tuer un autre et même protéger son assassin. Un vampire, oui. La notion de « perte acceptable » et celle de « renversement d'alliances » étaient classiques, mais chez un loup? Peut-être Vince était tombé en plein milieu d'une guerre entre deux meutes et que son si gentil samaritain s'était juste attiré la sympathie d'un protecteur, doublé d'un tueur. Toujours utile pour les opérations les plus vicieuses que l'honneur de loup réprouvait. Personne ne pouvait reprocher à une meute les massacres d'un suceur de sang et personne ne pleurerait un cannibale.

Sauf le vieux Guerrier Sigur. Il ne l'avait pas pris sous son aile pour qu'un autre le fasse combattre et tuer à son profit.

D'aprés Occard, le nettoyage s'était fait très rapidement. Sans doute parce que le sang de Vampire ne tenait pas longtemps à l'air libre et, chose plus étonnante, parce qu'il n'y avait pas le moindre corps... Le locataire s'en était déjà débarrassé, ce qui faisait douter Victor sur la véracité du pauvre petit étudiant transformé par erreur. Peut-être cela avait-il été vrai un jour... Mais comme tous les jeunes face à une situation difficile, celui-ci aurait paniqué. Ce qu'il n'avait pas fait. Au contraire. Il avait couvert ses traces. Aucune raison que Victor n'en fit pas autant.

Faisant mine de fumer une cigarette contre la rambarde de la résidence étudiante, il laissa son esprit vagabonder parmi les autres locataires pour les amener doucement à s'endormir et à ne pas se réveiller avant le jour. Dormez mes agneaux... Dormez bien gentiment... Il ne se passera rien... Du moins, rien qui vous concerne. Assuré que personne, ou presque, ne les dérangerait, il monta l'escalier tranquillement en savourant par avance ce qu'il allait faire subir à ce pauvre petit loup. Il y avait dans sa démarche lente quelque chose, un procédé de mauvais film d'horreur pour faire monter la terreur du spectateur, quelque chose de risible puisque personne n'était là pour admirer la performance de l'acteur dans le rôle du psychopathe. Même Victor en riait. Seul, évidement. Pour rien au monde, il n'aurait admis que sa manie de prendre des poses pouvait être sujet à rire. C'était sa manière de se protéger: différencier l'être et le paraître. Personne ne le connaissait vraiment, mais il faut dire qu'avec sa succession de masques, Victor, Lord Henry, Signor Massola... et même Sigur... personne ne le pouvait. Pas même Victor. Il était loin le temps où son monde se limitait à lui-même et à ses proies et où il n'avait pas besoin de faire vivre une foule d'autres lui. Il avait cru que revenir à Sigur simplifierait les choses, mais Sigur était un masque comme les autres. Un rôle. Un de plus. Un jour, ça lui prendrait de plonger au fin fond de sa psyché. Mais pas ce soir. Et peut-être même pas ce siècle.

Victor tapota doucement contre le panneau de la porte, pour confirmer la nature de sa proie. Seuls les loups-garous prendraient ces tout petits bruits pour une demande à rentrer et celui derrière la porte tomba dans le piège. Il n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait qu'il était déjà plaqué contre le mur, la Griffe du Vieux Lion l'étranglant.

Le Vampire fit mine de savourer le parfum de la pièce comme s'il avait humé un vieux Bordeaux.

  • Javel, fourrure de loup et cendre de vampire. Cocktail très particulier que le commun des mortels n'est pas à même de déceler... Et toi, mon petit chien? Cette odeur te plait?

Ben avait du mal à respirer et le fait qu'il soit maintenu cinq centimètres au dessus du sol ne l'aidait pas. Il essayait de se tenir au bras marmoréen pour atténuer la pression même s'il savait qu'il ne faisait que retarder l'inéluctable. Il tenta le coup de pied mais cela lui fit l'effet de cogner contre un meuble.

  • Un loup solitaire... Ça aurait pu marcher... si tu n'étais pas tombé sur quelqu'un qui s'y connait un peu mieux que les autres. Je te rassure, ma petite canine n'a pas vu le mensonge. Moi, oui. Alors, mon petit loup, j'aimerais savoir pourquoi tu as jeté ton dévolu sur ce qui m'appartient.

Victor le faisait exprès, bien sur. Il était impossible à sa proie de répondre vu la pression exercée sur sa gorge. Mais ça l'amusait de voir le petit chien se débattre et même entamer une transformation partielle pour se doter des griffes larges des canidés. Ce fut avant qu'il ne lui laboure l'avant-bras qu'il consentit à lui laisser un peu d'air pour qu'il puisse répondre, même s'il se contenta de reprendre son souffle. Que ces vivants manquaient de savoir-vivre!

Quelques quintes de toux plus tard, le chien consentit à parler.

  • C'est plutôt votre petite canine qui m'est tombé dessus.

  • Oh, mais je ne doute pas un seul instant que cette coïncidence n'en est pas vraiment une. Alors, j'aimerais comprendre cette coïncidence et je te laisserais vivre.

  • Bien sur... J'y crois très fort.

  • Je te le promets.

  • Je ne crois pas aux promesses d'un maître vampire.

  • Quelle bonne idée! Quelle preuve de bon sens... qui arrive un peu trop tard. Tu as déjà mis plus qu'un pied dans mon fief et tu te souviens seulement maintenant des conseils élémentaires de prudence. Maintenant, réponds!

Ben resta quelques secondes silencieux avec ses pensées qui tournoyaient. Si les autres meutes n'avaient pas sa peau, il y avait fort à parier que le maître de la ville l'ait et s'en serve de descente de lit. Car la vérité n'allait pas lui plaire. Du moins une grande partie de la vérité. Mais ce que Sigur ignorait, même dans son grand âge, c'était que les loups, à force d'être des détecteurs de mensonges sur pattes, avaient appris à ne pas dire la vérité, sans pour autant la travestir.

  • Je cherche quelqu'un qui serait dans les parages.

Pure vérité. Ce qui n'était pas dit, par contre, c'était que cette recherche avait été mise sous le boisseau dés qu'on lui avait confié sa présente affectation. Même si les deux étaient géographiquement très proches, Ben n'avait pas la carrure pour la mener seul.

  •  
    • Qui ça? Et quel besoin aurais-tu d'un de mes vampires?

    • J'en ai besoin parce qu'il a des capacités que je n'ai pas. (Encore toute la vérité) Et celui que je cherche est la Bête.

Moment de silence. Il faut laisser ses respirations à la réflexion, parfois au mépris de toute sécurité apparente. Laisser la réflexion respirer, c'est admettre que la violence n'est pas toujours nécessaire. Ben ne le savait pas, sans doute parce qu'il ignorait qui il avait réellement en face de lui, mais il avait touché une fibre sensible. A l'instar de Sigur, la Bête était une de ces légendes de la Nuit qu'on connaissait sans véritablement savoir ce qu'il en était. Mais Sigur et la Bête avait un passé commun.

  •  
    • La Bête... Sur mon territoire...

    • Peut-être... Je ne suis sur de rien.

    • Pourquoi tu le cherches...?

      •  
        • Sigur apprécia la petite transformation de son prisonnier. La colère qui changeait le chien de manchon en prédateur.

        • C'est personnel.

        • Dis toujours. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, tu n'es pas en mesure de mettre fin à la discussion.

        • C'est lui qui m'a transformé. Et je veux sa peau...

 

Victor éclata de rire. Ah, les folles espérances de la jeunesse! Ils étaient bien tous pareils. Malgré sa volonté, celui-là serait broyé par la Bête. Comme beaucoup avant lui. La Bête n'était pas précisément quelqu'un de faible, sinon il n'aurait pas tenu Sigur en échec des siècles auparavant. Mais ce petit loup était amusant, à sa façon... Et il ne déplaisait pas à Victor de l'envoyer à une mort certaine. Il aurait presque voulu voir ça: C'est toujours assez jouissif de voir un homme se battre contre sa propre destinée et encore plus quand il comprenait que c'était totalement vain. Mais il y avait un tout petit souci.

  • Et dans toute cette histoire, que vient faire mon petit vampire? Dis-moi à quoi Vince peut bien te servir contre la Bête?

  • Pas à le combattre. Mais à le repérer.

Bonne réponse, si tant est qu'il y en eut une bonne. De toute façon, Victor savait qu'il ne pourrait pas tuer le loup-garou sans avoir la preuve qu'il était dangereux pour Vince: Celui-ci ne lui aurait pas pardonné alors qu'il venait tout juste de se trouver un ami qui n'était pas un repas. Victor le laissa tomber sur le sol et prit position sur le fauteuil de l'ordinateur avec un soupir. Tiens... Il se mettait à soupirer maintenant... Il faut dire qu'il avait vu les ravages de ce petit bruit parmi la cour de Toulouse... et il aimait bien...

  • Imaginons que je te laisse vivre...

  • Vous avez déjà décidé de m'épargner.

Victor prit la première chose qui lui tomba sous la main, en l'occurence une souris sans fil, et la balança d'une chiquenaude dans la tête de l'impudent personnage qui la prit avec un couinement de douleur.

  • On ne m'interromps pas.

Quelques secondes de silence pesant. Intérieurement, Victor se réjouissait de ces moments où il posait le pied sur le cou de son interlocuteur. Il avait toujours aimé maitriser la situation. Rectification: Il aimait le faire sentir.

  • Imaginons que je te laisse vivre, ce serait uniquement parce que mon enfant chéri te porte un vague intérêt. Sitôt que cet intérêt aura décliné, je te conseille de vite prendre la tangente parce que je n'aurais pas le moindre remord à exposer ta fourrure dans mon salon. Il paraît que c'est du dernier chic. D'ici là... Tu vas être horriblement gentil avec lui. Suis-je clair...?

Ben se massa le cuir chevelu et se promit d'acheter des souris moins lourdes, dorénavant.

  • Vous êtes très clair.

  • Bien.

  • Mais je ne marche pas.

Victor fronça légèrement le sourcil. Aurait-il par hasard été trop fort dans sa strangulation et aurait-il privé d'air le cerveau du malheureux jusqu'à le rendre stupide.

Ben se redressa, laissant sa rage de loup lui donner plus d'importance. N'importe quel humain aurait baissé le regard ou aurait fui. Ben n'aimait pas de mettre en avant, c'est bien pour ça qu'il avait intégré la meute insignifiante d'un jeune alpha qui avait la moitié de son age. Mais celui qui était en face de lui n'était pas un loup: il ne pouvait pas se soumettre. Pourtant le vieux monstre devant lui souriait. Aucune peur, ni même d'envie visible de remettre à sa place l'impudent.

  • Je ne me soumettrais pas. Gronda le loup-garou en appuyant chaque syllabe.

Une lueur rieuse alluma les yeux de Victor. Mais quel siècle, mes amis! Rencontrer Clara avait été un miracle, Vince, un baume sur son âme de dirigeant désabusé... Et ce troisième qui ne pliait pas, l'une des rares victimes de la Bête à être encore en vie pour le raconter et suffisamment fort pour ne pas se recroqueviller en pleurant. Trois êtres qu'il avait plaisir à parer du nom de guerriers.

Et deux qui m'appartiennent! Pensa t-il avec une joie malsaine.

Bien évidement, il lui fallait le troisième... On ne passe des siècles à regarder les richesses du monde sans se complaire dans l'avidité. Mais celui-là... Il aurait eu du mal à l'avoir. Victor savait pertinemment qu'il n'était pas la solution miracle aux problèmes de ses guerriers. Il était juste l'homme moitié tyran, moitié chevalier blanc pour Clara, une sorte de père vampirique qui fixait temporairement les limites pour Vince. Mais celui-là... Son attitude, sa situation actuelle proclamaient qu'il n'avait nul besoin d'être entouré. Ni par une meute, ni par quiconque. Le vieux vampire se demanda un instant comment un tel loup pouvait exister... avant de se souvenir que la Bête était pareille. Solitaire par choix et parce que, Sigur mis à part, tout ceux qui tombaient sous ses yeux n'étaient que des proies à dévorer.

Un doute, cependant... Ce loup-là n'avait l'air à enfermer. Alors Victor décida de le sonder douloureusement.

  • Enfant de la Bête... Et comme elle tu ne peux pas t'empêcher de saccager ce qui te plait?

La colère du loup-garou éclata, laissant l'impression d'avoir reçu le souffle d'un incendie en pleine figure. Ils n'étaient pas nombreux à pouvoir développer une telle rage sans se faire consumer par elle. Et pourtant, Victor resta parfaitement calme, le menton posé sur une de ses mains et l'autre qui décomptait les secondes: Pouce, index, majeur, annulaire et auriculaire. La flamme s'éteignit sous le contrôle de Ben qui en tomba à genoux, tellement l'effort était violent.

  • Les imbéciles disent que c'est la vérité qui blesse, susurra Victor avec une lueur gourmande dans le regard. Mais en réalité, c'est le doute qui fait le plus mal: « Et si j'étais réellement comme il le dit...? » Le doute qui s'insinue partout et qui ne laisse aucun répit...

Victor se releva de son fauteuil tout en boutonnant son veston. Une main passé dans les cheveux, quelques pas vers le loup-garou qui contenait à grand mal son envie de carnage.

  • En ce moment, tu voudrais me sauter à la gorge et répandre mon intérieur sur les murs, mais pas seulement. Tu voudrais que ton gigantesque appétit de tueries soit rassasié ici et maintenant au détriment de tous les habitants de cette cité étudiante, te dresser sur un monticule de cadavres et rire à gorge déployée en choisissant la cible prochaine du chaos que tu vas semer...

C'est tellement beau un homme qui lutte avec lui-même, se dit Victor en regardant le loup à ses pieds se retenir à chaque évocation du massacre. Il aurait pu regarder ça pendant des heures et les métamorphes étaient toujours des personnalités bipolaires fascinantes. Qui plus est, celui-là poussait l'antagonisme personnel très très loin...

  • Tu ne le feras pas... Souffla le Maitre de Toulouse à l'oreille de sa victime dont les muscles se relâchèrent tout à coup. Oh, pas parce que je t'en empêcherais: le sort de quelques humains m'indiffère complétement. Tu ne le feras pas parce que ta cage est si étroite et les chaines que tu portes sont tellement lourdes que c'est un miracle que tu puisse encore respirer.

Le loup le regardait de ses yeux de miel veiné de carmin. Oh oui... Il avait été bien prêt de la rupture. Victor ne l'en apprécia que d'avantage. La Bête était incapable de se contrôler dés qu'elle était arrivé à ce niveau de rage. Il ignorait ce qui avait amené ce petit lycan à se forger de telles entraves mais le résultat était là. Un peu masochiste quand même...

  • J'ai bien connu le monstre à qui tu dois ta peau de loup. Bien plus que tu ne le pourras jamais en fait. Vous avez cette rage en commun... Si dévastatrice qu'elle ne peut être l'apanage que d'une seule bête.

Ben serra les dents presqu'à s'en faire sauter l'émail mais il savait qu'elles avaient maintenant l'aspect et la dureté d'une dentition lupine. Tout comme ses muscles s'épaississaient dans la douloureuse tension de la transformation incontrôlable. Il avait tellement mal que des points noirs dansaient devant ses yeux. Il essayait de ne pas écouter mais les mots lui rentraient dans la psyché comme des gifles entrecoupées de caresses. Et puis... Le couperet.

  • Tu n'es pas cette bête là. Elle n'a jamais eu le désir de se contrôler... Sans doute parce qu'elle n'en a pas les moyens.

Comme une eau glacée sur une brûlure récente, le soulagement passa sur Ben, amenant sa propre rage à se recroqueviller au plus profond de son esprit. Ses épaules se détendaient, sans doute sous l'effet de la transformation qui s'était stoppé et pour une fois, pas brutâlement. Pourtant c'était aussi douloureux qu'agréable: la sensation de la guérison, ça fait mal sur le moment, mais on se sentira mieux après.

Victor se redressa en époussetant les poussières imaginaires de sa veste. Une bête qui n'en était pas une. Ce siècle avait encore d'autres cadeaux pour lui? Mais il savait que le loup n'était pas encore à lui. Oh, bien sur, il lui avait lancé un appât très tentant et si bien barbelé que le fils de la Bête aurait du mal à le décrocher de sa gueule s'il le gobait. Victor lui offrait tout simplement la compréhension et la reconnaissance.

Il fit encore quelques pas dans l'appartement, le regardant pour la première fois tandis que Ben achevait de faire taire son feu intérieur. Dieu que c'était triste! Pas de photos, de bibelots, aucune trace que quelqu'un de réel vivait là... Encore plus terne qu'une chambre d'hôtel bas de gamme. Victor se promit de mieux loger ce guerrier-là s'il l'avait. A force de se cacher des autres, ce qu'il avait en lui finirait par exploser. Le Vieux Lion en aurait presque éprouvé de la compassion... S'il avait pu. Mais il connaissait au moins deux personnes qui en auraient dont l'une s'était déjà fourré dans ses pattes. Penser à remercier Vince, au fait...

Mais le voilà le second appât! Il fallait juste ne pas le rendre trop évident.

  • J'ai pris ma décision... Comme je l'ai dit, je te laisse vivre. J'accepte même que tu demandes _ Poliment _ à mon vampire de t'assister... Mais pas tout de suite. Il est privé de sortie pendant trois semaines.

Et sur ce, Sigur s'en fut comme le seigneur qu'il était, sous le regard médusé d'un lycanthrope qui n'y comprenait plus rien, avec la satisfaction d'un travail bien fait et le léger souci de trouver un repas convenable.

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