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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 21:01

 

Chapitre 17: Numb.

 

 

 

 

Simon aurait de loin préféré rester avec Anna. De très loin. Vu qu’il s’était pris un loup-garou dans la figure, Vince lui avait octroyé deux semaines de vacances pour éviter qu’il ne se sente plus mal. Et, Diable, oui, il avait eu vraiment très mal. Il avait eu l’impression que son cerveau avait ballotté dans son crâne mais les médecins lui avaient dit que non. Par contre la douleur de son arcade sourcilière lui rappelait avec véhémence ce que Papy lui avait martelé pendant des années : On ne fait pas face à un loup-garou ! On court, très vite, et on prie que le loup trouve une autre proie. Simon s’estimait béni de ne pas être mort ou dans un état bien pire qu’une arcade sourcilière bousillée, quelques ecchymoses et une dignité foutue. Il s’estimait aussi béni que son patron n’ait pas eu de blessures, bien que, depuis son retour de Londres, il était au secret. Comme il n’était qu’un servant de chasse, il ne savait pas pourquoi mais… peut-être que cela signifiait un changement de direction. Dommage. Il s’était attaché à cette canine. Sans doute parce que la Canine se souciait vraiment de lui et non pas de ses affaires.

Il soupira en poussant la porte de la morgue.

Autre règle Occardienne oubliée… Ou plutôt consciencieusement mise de côté. On ne badine pas avec les canines même s’ils ont l’air sympathique. Surtout s’ils ont l’air sympathique. C’était le meilleur moyen de se faire bouffer et limite d’aimer ça. Papy lui avait bien seriné durant toute sa formation : le but d’un Servant de Chasse, c’est de survivre. Pas de se faire sacrifier à la première couille venue.

Bon, j’en suis pas encore là… Tenta-t-il de rationaliser. Mais il savait qu’il en était déjà là. Et même bien au-delà.

Il hésita à se coller une baffe pour se reconcentrer mais se souvint, in extremis, que son visage n’apprécierait pas du tout. Ce qui fut confirmé par la totale stupéfaction du médecin légiste qui l’avait appelé.

  • Grand Dieu, Simon… Tu as rencontré un poids lourd et tu as voulu badiner avec, ou quoi ?

  • Pire, Doc… Bien pire. Un loup-garou.

  • Tu as de la chance d’être encore en vie, alors.

  • Oh, oui.

Le docteur Jarreaux était un vieux servant de la cour de Toulouse. Il n’avait plus aucune chance de devenir un vampire, le savait et s’en fichait royalement. Il faisait partie de ces rares humains qui comprenaient que l’incursion du Monde de la Nuit dans le Monde du Jour serait néfaste pour tout le monde et surtout pour les humains s’ils n’étaient pas préparés. Mais la préparation n’était pas son truc. Lui, c’était de maquiller les preuves et faire en sorte qu’une victime d’un vampire ressemble à celle d’un membre de gang armé d’un couteau. En règle générale, c’était lui qui prévenait le reste des Servants humains qu’un cadavre un peu bizarre atterrissait dans la morgue. Comme ce soir.

  • Alors, tu as un client pour moi ?

  • Oui, hélas. Mais pas une innocente victime.

Terme consacré pour les humains qui servaient de diner et qui n’y survivaient pas.

  • Quoi donc, alors ?

  • Viens voir.

Le vieux légiste, qui partirait à la retraite l’année prochaine et qui cherchait déjà son remplaçant, ouvrit l’un des casiers et tira pour dévoiler un cadavre encore sous le drap.

  • Je m’en suis rendu compte à cause des mouvements involontaires et l’absence totale de rigidité cadavérique. Au cas où, j’ai inspecté ses dents. Et j’ai bien fait. Je doute que ce petit monsieur aurait apprécié l’incision en Y.

  • Mais pourquoi il est toujours là ?

  • Je n’arrive pas à le réveiller. A supposer qu’il dorme vraiment… J’ai déjà eu le cas d’un petit monsieur qui trouvait très amusant de se planquer dans les funérariums pour attaquer le croque-mort alors qu’on l’embaumait. Personnellement, je trouve ça drôle, surtout parce que je reste persuadé que ces messieurs des pompes funèbres font du travail de sagouin. Mais bon… J’aimerais profiter de ma retraite.

  • Oui, je comprends.

Simon souleva le drap et dévoila la tignasse rousse et noire du vampire. Débarrassé du gel qui les faisait tenir en l’air, de ses vêtements noirs et de ses bracelets à pointe, le vampire avait l’air… inoffensif. Presque vulnérable. Seules ombres au tableau, la marque encore noircie sur sa tempe et la cicatrice sur son bras qui se résorbait lentement.

  • Comment il est arrivé là ?

  • Fusillade à Matabiau. Deux morts, dont lui, et un blessé humain. J’ai extrait la balle et…

  • Et ?

  • Balle à fort pouvoir pénétrant et à haute vélocité, imprégnée de sodium pur, à moins que le cœur n’en soit.... Il n’en restait que des débris dans son bras qui était un véritable hachis quand il est arrivé. Il va falloir des jours à la scientifique pour la reconstituer. Enfin… Lui a eu du bol. Elle, par contre…

  • Elle ?

  • L’autre morte. J’ai fait le coup de la famille témoin de Jéhovah qui ne souhaite pas l’ouverture du corps et qui l’a exigé immédiatement : Elle est arrivée en cendres dans son sac.

  • Comment tu sais que c’est « une » vampire alors ?

  • Rapport de police. Une petite blonde adolescente d’après les témoins.

  • Oh merde…

Cette fois-ci, il ne put s’empêcher de se taper la tête contre les tiroirs métalliques et manqua s’évanouir devant la fulgurance de la douleur qui lui martela le crâne.

  • Tu les connais ?

  • Les deux nouvelles acquisitions du Maître. Cour Levante, tous les deux.

  • Donc… Ce n’est pas un gamin vampire qui se croit définitivement mort parce qu’il ne sait pas où il en est et pas un détraqué du cimetière.

  • Non. Il les aime vivantes, bien chaudes et bien portantes.

Simon approcha la main du visage du vampire et tapota prudemment sa joue.

  • Monsieur ? Monsieur… Il va falloir partir de là : le soleil se lève dans une ou deux heures.

Aucune réaction. On était pourtant encore de nuit donc le vampire faisait exprès de ne pas entendre et de ne pas répondre.

  • Monsieur, vous êtes entouré de servants et je suis chargé de vous mettre en lieu sûr. Vous avez soif?

Toujours pas de réaction. Simon songea qu’il faudrait peut-être l’exfiltrer en sac et c’était bien le pire des scénarios. A cette heure-ci, les pompes funèbres qui étaient tenues par un autre servant étaient fermées et le servant en question devait dormir.

  • Doc ? Vous avez du sang en bouteille ?

  • Non, pas ici. Mis à part pour les analyses en cours et je doute que ces messieurs de la criminelle apprécie que je perde les pièces à conviction.

  • Merde.

De sa poche, il prit son canif et se résolut à s’entailler le bout des doigts. L’odeur du sang le réveillerait surement.

  • Pas la peine…

Mon dieu… Même sa voix était empreinte de vulnérabilité et jamais auparavant il n’avait eu l’air de son âge à sa mort. Et même plus jeune. Un gamin qui avait l’âge de son grand-père, grandi trop vite et enfin rattrapé par sa jeunesse. Ironique pour un vampire.

  • Monsieur ? Vous allez bien ?

  • Elle est morte ?

  • Oui, monsieur.

Ce type était un assassin. Charles les avait bien chapitré sur ce point : ne le prenez pas pour autre chose qu’un tueur de sang-froid, il ne sait faire que ça. Avec un petit rajout pour les membres féminins de son équipe de servants : interdiction de lui céder. Les Servants de chasse n’étaient pas des diners. A la décharge de l’assassin, il n’avait pas cherché à croquer ses collègues même si certaines étaient diablement appétissantes.

  • Que s’est-il passé ? pourquoi je ne suis pas mort ?

Ce fut le docteur Jarreaux qui répondit avec un ton à la fois professionnel et compatissant.

  • La première balle a été stoppée par l’os de l’épaule et s’est écrasé là, sans faire plus de dommages. Si vous aviez été humain, vous auriez perdu le bras. Quant à la seconde, elle vous a effleuré le crâne, sans pénétrer l’os. La demoiselle n’a malheureusement pas eu cette chance pour ce que j’en sais.

  • C’est… rentré par sa tempe, juste au-dessus de l’oreille et… C’est ressorti…

La douleur sur son visage était poignante. Il ne pleurait pas mais sans doute parce qu’il avait trop faim pour avoir de quoi pleurer.

  • Qu’est-ce… qu’on est censé dire dans ce cas, Servant ?

  • On retrouvera le salopard qui a fait ça, Monsieur. Je vous le promets.

  • Merci… mais…

  • Le Maître m’a chargé de l’enquête. Ceci dit, je pense qu’on vous laissera le soin de l’élimination.

Petit mensonge. Sigur ne lui avait rien ordonné, sans doute parce que le Bagis était plongé dans le silence depuis cette nuit mais Simon ne doutait pas un instant qu’avec un peu de diplomatie il arriverait à magouiller ça. Quitte à faire jouer l’influence de Vince.

  • J’ai mal…

  • Balles au Sodium, monsieur. On vous visait directement, pas la foule autour, même si on fera croire à un attentat aveugle. Il va vous falloir du temps pour vous en remettre complètement.

Si la faiblesse des loups garous était l’argent, celle des vampires était le sodium et tous ses dérivés. Le sodium était un poison violent pour les quenottes. Fort heureusement, sa forme la plus courante, le sel, était à peine cause d’une irritation et d’une humeur exécrable quand ça passait dans le sang, le sodium pur était l’équivalent du polonium pour les humains. Un poison mortel. L’assassin avait eu de la chance que la balle lui ait juste éraflée l’os du crâne. Un simple contact avec le cerveau et il aurait été incapable de guérir, ni même de parler. Mais son inertie présente était compréhensible. Le sodium lui pompait toute son énergie et il avait du tout utilisé pour soigner son bras et le haut de sa tête. Sans oublier qu’il devait ressentir la douleur fantôme pendant plusieurs jours. Voire plus.

  • Je ne veux pas rentrer sans Sona…

Le docteur Jarreaux intervint à nouveau.

  • J’ai… mis ses cendres dans une petite urne temporaire… J’ignore comment traiter la demoiselle avec tous les égards alors…

  • Vous avez bien fait. Je veux l’urne.

Sa voix était redevenue normal pour lui. Un mélange d’agressivité sensuelle et de colère. De quoi faire obéir n’importe qui. Aussi le médecin légiste ne se fit pas d’avantage prier pour courir à son bureau. Quand Simon se retourna vers le vampire, celui-ci essayait de se relever mais dés qu’il s’appuyait sur son mauvais bras, il gémissait de douleur et retombait lourdement.

  • Laissez-moi vous aider.

  • Non !

Il darda ses yeux verts sur Simon… ou plutôt sur son cou.

  • J’ai trop faim pour ne pas te mordre et je sais que le monstre ne me le pardonnerait pas…

  • Le… monstre ?

  • L’héritier. Je nierais l’avoir appelé « monstre ».

  • Je nierais l’avoir entendu.

Le Servant de chasse soupira. Encore une sale nuit qui finissait…

 

 

 

 

 

Il y avait des choses que même le Premier Grand Prédateur ne voulait pas faire. Non pas que la tâche soit en dessous de lui, au contraire, non pas qu’elle fut longue ou fastidieuse, ce serait sans doute très rapide, mais bien parce que renouer avec une créature qui était son égal mais pas dans le même camp et qu’il avait croisé brièvement quelques siècles ou millénaires auparavant lui semblait… inepte. Ni lui ni l’autre n’avaient entretenu le contact pour des raisons somme toute évidentes. Que ce soit Sigur ou son homologue, ils avaient leurs territoires, leurs ouailles et leurs esclaves à gérer et en papoter avec l’autre… ce serait avouer une faiblesse. Intolérable pour tous les deux, même si le Premier Loup l’aurait pris avec plus de bonhomie et de fatalisme que lui qui en était resté à l’ironie mordante, faute de trouver un goût de sucre aux épreuves qu’on leur envoyait.

Et pourtant, il était bien obligé de renouer avec cette boule de poils alors que tout deux ne devaient rêver que d’étriper l’autre. Et peut-être même pour les mêmes raisons. Il avait fait jouer ses relations et obtenu l’identité actuelle de son interlocuteur ainsi que son numéro de téléphone, son adresse postale, pas de mail parce que celui-ci n’en avait pas mais il avait une boite commune avec sa meute, or Sigur ne souhaitait pas communiquer avec toute une putain de meute. Surtout celle du Fenris. Vu ce qu’était le Fenris, nul doute que tous les loups de sa meute soient aussi prompts à lui tomber sur le râble pour apporter sa tête à leur alpha chéri que sa propre cour en aurait fait de même s’ils avaient pu. Après tout, ils étaient des chefs de guerre tous les deux…

Il se décida à décrocher son téléphone et à composer le numéro, espérant un peu tomber sur un répondeur pour pouvoir justifier de raccrocher et de ne pas s’en occuper parce que son interlocuteur n’était pas disponible et non, il ne laisserait pas de messages. Manque de chance, les Dieux avaient sans doute décidé de lui faire une petite crasse puisque la communication fut établie en à peine deux sonneries.

  • Oui ?

  • Fensi Wilk ?

  • Lui-même. Comment vas-tu… Victor, c’est ça ? C’est bien ton nom actuel ?

  • Oui, c’est ça. Pendant un instant, je pensais me moquer de ta propension à mettre le mot loup dans tous tes noms d’emprunt mais je viens de me rendre compte que je fais la même…1

  • Guère étonnant, si tu me passes le fait de jouer au psy de comptoir. Nous nous raccrochons toujours au passé comme les bonnes vieilles antiquités que nous sommes.

  • -Peut-être. Pourquoi ai-je l’impression que c’est plus facile pour toi que pour moi ?

  • Parce qu’il y a beaucoup de déclinaisons du mot loup dans toutes les langues, sans doute ?

  • Non, je parle de cette conversation. J’ai comme l’impression que tu l’attendais.

  • Pas tout à fait, je la redoutais en fait. Mais je suis sincèrement heureux que tu ais fait le premier pas.

De la part d’un autre, cette phrase aurait été accueillie assez cyniquement par Sigur qui en aurait profité pour dépoussiérer ses plus terribles insultes masquées pour un jeu à deux. Mais le Fenris _ pardon, Fensi _ était vraiment sincère. Les loups ne mentent pas en règle générale, mais pour l’Alpha des Alphas, c’était une vertu cardinale. Il n’était pas diplomate pour deux sous et quand il vous disait qu’il était sincèrement heureux, c’est qu’il l’était réellement. Et Sigur se souvint pourquoi ce simple coup de fil allait être une épreuve pour lui… Fensi n’avait aucune malice. Aucune. C’était aussi perturbant que contagieux.

  • Euh... Et bien... Tu devines pourquoi je t’appelle?

  • Au son de ta voix, en partie. Je me doute que ma Reine des fées et la tienne n’ont rien dit, mais il y en a un qui ne peut pas se contenir avec de telles nouvelles…

  • Le Prince de l’Equilibre t’a contacté ?

  • Non. Il aurait dû ?

  • Mais qui alors ?

  • Oh, c’est… disons quelque chose que je n’ai pas envie de révéler. Disons juste que c’est un ami avec qui je partage une bonne bouteille d’un siècle sur l’autre. Mais mis à part m’annoncer que quelque chose de grand allait avoir lieu bientôt, il n’en a pas dit plus. Et je sais que tu ne me diras rien à moins d’y avoir une bonne raison. Ou l’occasion de contracter une créance sur moi.

  • Vrai… Attends deux minutes.

Mis à part avec le Fenris, Sigur n’avait jamais quitté la conversation en plein milieu pour réfléchir. Il essayait d’avoir toujours plusieurs coups d’avance. Mais cette fois-ci… Le néant. Le néant le plus absolu parce que des puissances bien plus grandes manipulaient les pions qu’ils étaient, lui et le Fenris. Des pions de plusieurs millénaires, capables chacun de mettre la terre entière à leurs bottes et qui ne l’avaient pas fait. Pourquoi ? Pour le Fenris, la raison était simple : il était amoureux des Hommes et malgré tout ce qu’il avait subi de leur part, cet amour n’avait pas varié d’un iota. Pour Sigur, c’était différent. Se lancer dans une guerre de conquête aurait été facile et la victoire aurait été assurée. Cela aurait pris du temps, sans aucun doute, mais l’humanité aurait été à lui… S’il l’avait voulu ainsi. Mais c’était… Non, il avait préféré se compliquer gentiment la tâche en voulant une humanité soumise certes, mais surtout voulant l’être.

Les puissances qui les manipulaient dans l’ombre avaient-elles conscience de ce qu’elles manipulaient ? Et pourquoi ? Tant de question pour lesquelles il n’y avait aucune réponse à sa portée, pas plus qu’à la portée du loup millénaire qui patientait en sifflotant à l’autre bout du fil. Victor soupira et prit sa décision.

  • Les Reines veulent révéler leur existence au Monde du Jour.

Il y eut un long silence. Fensi avait arrêté de siffloter et se contentait de respirer calmement. Il n’y eut que le bruit de leurs extérieurs à tous les deux. La forêt semblait-il pour Fensi et la ville pour Sigur. Le temps passa en vaines expectatives.

  • Quand ?

  • Aucune idée.

  • Bientôt, donc.

  • Sans aucun doute.

  • Pourquoi me l’avoir dit ? parce que tu n’as posé aucune condition pour le moment.

  • Et je n’en poserais pas. Cette… Situation va tous nous plonger dans le chaos… Déjà que…

  • Oui, je suis au courant de ta guerre avec le Serpent à Plumes.

  • Comment… ? Non, en fait, pour le moment, je m’en fous. J’y reviendrais, sois-en sur. La question est : Comment on gère ça, toi et moi ?

  • Sigur… Ce n’est pas comme si nous nous préparions depuis des siècles à cette possibilité…

  • Sauf que jusque là, c’était un jeu ! Nous nous amusions chacun de notre coté à imaginer ce que ça allait impliquer et nous tirions des plans sur la comète. Je ne sais pas comment tu imaginais ça, mais personnellement, je serais bien resté dans l’ombre quelques siècles de plus.

  • Comme nous tous. Ce sera brutal et il sera impossible de revenir en arrière. Enfin… Heureusement que le mythe du vampire et celui du loup-garou sont connus de tous.

  • Et dans quelles conditions, par les Dieux ! Tu es conscient que la seule œuvre globalement connue qui parle en bien de vampires et de loups-garous nous présentent comme brillant au soleil et vous présentent torse nu en permanence ?

Le silence sur la ligne fut celui de la stupéfaction outrée.

  • Tu l’as lu ?

  • Non, j’ai demandé à mon secrétaire particulier de m’en faire un résumé.

  • Mais que t’as fait ce pauvre garçon pour mériter une telle punition ?

  • Fensi…

  • Pardon. Tu as raison. Je crains qu’il ne faille travailler de concert… Et faire jouer nos connaissances humaines de haut niveau. Ecoutes, Sigur. Je vais essayer de pondre un plan à peu prés correct de mon coté, tu fais de même et on se recontacte la semaine prochaine ?

  • Il faudra bien… Fensi, je ne t’appelle pas que pour ça.

  • Je m’en doutais.

  • C’est… Il s’est passé quelque chose chez un de mes vampires que je ne comprends pas.

  • Et qu’est-ce qui te fait croire que je peux t’aider à y comprendre quelque chose ?

  • Cela implique un de tes loups.

  • Ah.

  • Mon vampire l’a presque vidé de son sang.

Le souffle qu’il entendit à l’autre bout du fil fut éloquent. La colère, bien sûr, mais tempérée par la volonté de rester calme. De rester diplomate malgré le casus belli.

  • Je… Je veux ce vampire. Il doit être jugé selon nos lois pour avoir attaqué un loup pour en prendre le sang.

  • Avant que tu t’excites, Fenris, C’est un cannibale. Il ne l’a pas attaqué pour le sang.

  • C’est une plaisanterie ?

  • Non.

  • C’est…

Autre silence éloquent sauf que cette fois-ci ce n’était pas la colère mais la confusion.

  • Je me demandais quel loup m’espionnait… Bien joué, Fenris. L’avoir briefé sur le contentieux entre moi et la Bête, c’était brillant ! Siffla Victor la voix pleine de fiel.

  • Attends une minute, Sigur…

  • Il est à l’hôpital de Harrowfield en Angleterre. Tu as dix minutes pour le récupérer avant que je ne donne l’ordre de son exécution…

  • J’ai dit : attends une minute !

La voix du Fenris était devenue un grondement menaçant. Décidément, il était impossible que ces deux-là ne se parlent sans se hurler dessus. Cependant, Sigur accepta momentanément d’écouter l’Alpha des Alphas.

  • Je sais de qui il s’agit… Ou plutôt de quelle meute. Ils avaient ordre de surveiller les cannibales. Pas toi. Et je ne lui ai jamais parlé de la Bête.

  • Il m’a dit qu’elle était sur mon territoire.

  • Merde !

  • Je suis prêt à ne pas lancer la guerre si tu me dis ce qui arrive à mon cannibale.

  • Il n’est pas mort ?

  • Non, mais il… Ses yeux…Merde, comment dire ça… L’iris est celle d’un loup mais le blanc de l’œil est noir.

 

 

 

 

 

 

 

 

C’était une bêtise. Clara s’en rendait compte, maintenant. Comment ne pas s’en rendre compte, franchement, vu qu’elle était plaquée au sol par une créature qui, certes avait l’aspect de Vince mais pas vraiment son comportement. Si elle avait su que son humanité ne la protègerait pas, elle serait sagement restée en haut à regarder Vince paniquer complètement et à tenter de détruire les murs. Mais elle avait cru que son cœur qui battait et le sang chaud qui lui courait dans les veines la protégerait de la fureur d’un cannibale. Était-il possible qu’il fut redevenu simple vampire ? Peut-être. Mais bon… Les explications ne lui sauveraient pas la vie alors, elle ferma les yeux et attendit le coup qui devait la tuer.

  • A envie de mourir ? Gronda Vince avec une parodie de sa voix.

Elle risqua un coup d’œil et vit le monstre plus interloqué qu’ironique. Peut-être un reste de son ami.

  • Non. Mais je sais que je ne peux pas survivre.

  • Pourrait se débattre.

  • Pour quoi faire ? Je n’ai pas la force pour t’échapper.

  • Vrai. Peux pas te tuer.

Elle ouvrit complètement les yeux pour le regarder en face, lui et ses crocs de vampires qui dépassaient de sa bouche entrouverte, ses yeux qui avaient cessé d’être humain pour avoir l’iris d’un husky et le blanc de l’œil complètement noir et sa poitrine qui se soulevait régulièrement dans un souffle puissant et parfaitement contrôlé. Il était toujours magnifique mais dans un style plus sauvage et incontrôlable. Sans oublier que ses ongles lui perçaient les poignets et les déchireraient si elle bougeait trop.

  • Que s’est-il passé ? Murmura t’elle, pas très sur de sa voix qui tremblait.

  • Mort.

  • Non, tu es là, tu vas bien.

  • Voulue. Pas réussie. Ou… Voulu partir ? Sais plus…

La poigne qu’il exerçait sur elle se relâcha un peu. Pas de quoi s’enfuir mais suffisamment pour qu’elle puisse bouge pour se mettre à son aise. Enfin… presque. Vince était tellement dans la confusion qu’il gémissait sourdement en se mâchonnant la lèvre. Avec les couteaux qui émergeaient de sa gencive, le sang coula bientôt en un petit filet carmin.

  • Encore enfermé… Encore enfermé… Marmonnait-il avec une voix qui s’amenuisait en sons aigus et sanglotants.

  • Calme-toi, tu es en train de te faire du mal… Vince, écoute-moi… Il faut que tu te calmes…

Il la lâcha, en proie à une émotion irrépressible qui montait en lui sans le lâcher et l’enveloppait comme un carcan. La terreur. Clara se demanda ce qui pouvait l’effrayer autant. Surement pas elle, vu qu’elle était à sa merci mais quelque chose autour de lui l’oppressait tellement que les gémissements se muèrent en cri et ce cri en un hurlement dévastateur. De quoi faire trembler les murs. Si elle n’avait pas eu sous les yeux, elle aurait pu croire qu’il hurlait de rage mais c’était bien de la terreur. Et pourvu qu’il se calme parce qu’elle n’y survivrait pas sinon.

  • S’il te plait, Vince…

  • Sortir… Sortir… Faut sortir…Toujours enfermé !

La porte s’ouvrit en grand sur deux vampires armés dont Christophe, le secrétaire en second. Clara se dit que tout ça allait très mal finir si elle n’intervenait pas tout de suite. Elle regarda les deux qui ne savaient pas ou pointer leurs armes et cria :

  • Reculez ! Partez tout de suite !

Autant limiter les dégâts, non ? Mais l’attitude de Christophe changea jusqu’à devenir menaçante. Etonnant de la part d’un gratte-papier, mais il fit tomber le chargeur de son pistolet et en mit un autre qu’il avait pioché dans la poche intérieure de sa veste. Puis il tira trois fois. Trois fois. Deux balles pour Vince qui les prit de plein fouet et une pour Clara. La jeune femme ne s’était jamais faite tirer dessus auparavant, sans doute parce qu’elle n’en avait jamais eu l’occasion et, sincèrement, c’était une expérience qu’elle n’avait pas souhaité. L’impact était douloureux, comme quand elle s’était pris le sabot d’une vache dans le ventre mais en bien pire. Et la sensation de brûlure qui partait du point d’impact jusqu’à… Jusqu’à tout le reste. Elle ne comprenait pas comment certaines personnes pouvaient se faire tirer, ne rien sentir sur le moment et seulement se rendre compte cent mètres plus loin qu’il pissait le sang. Mais où la balle était rentrée ? Allait-elle survivre ? Et Vince… ? Et Victor… ?

Une quatrième détonation retentit dans la salle et du coin de l’œil, Clara vit que Christophe avait abattu de sang-froid le vampire à côté de lui d’une balle dans la tête. Il mettrait du temps à se régénérer. Tout comme Vince sans doute.

  • Il fallait choisir entre la Première Dame et l’Héritier. Quel dommage, Monsieur Paul, que vous tiriez si mal.

Quoi ? Oh… compris. Christophe avait attendu une occasion et il avait trahi. Pauvre idiot… même si Vince et elle y passaient, et elle était bien partie pour, Victor, lui, annihilerait tout le monde sur son passage. Enfin… peut-être… Peut-être qu’il s’en remettrait au final. Après tout… Cela ne faisait même pas une année… Qu’ils se connaissaient… Ce devait être habituel pour lui d’avoir… et de perdre… Une parmi tant d’autres. Dieu que la douleur était atroce. Elle en haletait pour éviter de hurler mais elle sentait une sorte de gargouillement dans sa respiration. Oh. Malheureusement, il semblerait que le poumon soit atteint. C’était fatal, ça, non ? Impossible de se souvenir si c’était fatal, son esprit commençait déjà à lui jouer des tours. La mort était au bout du chemin. Elle se mit à ricaner entre deux bulles de sang et en sentant Vince s’abattre sur elle, brûlant de fièvre. Peut-être allait-il mourir lui aussi.

J’aurais voulu… lui dire que ces quelques mois avec lui étaient la plus belle période de ma vie… Mais je n’ai jamais osé de peur, qu’il se moque. Il est si cynique ! Tant pis pour moi…

La douleur cessa tout à coup et Clara sut que ce n’était pas bon signe. Tant qu’on a mal, on est en vie. Sans la douleur… et bien la conclusion s’imposait d’elle-même. Bon, et bien… Plus qu’à attendre la lumière blanche ou le gouffre de feu, à moins que tout s’arrête. Elle n’existerait plus et, étrangement, elle comprenait à ce moment-là tous ceux qui espéraient en la survivance de l’âme, la réincarnation… Tout ce que promettait la religion en somme. Penser qu’il ne resterait rien de sa pensée ou plutôt qu’elle ne se rendrait même pas compte qu’elle était morte… Voilà qui était perturbant. Il y avait de quoi avoir peur mais elle se refusait de se convertir sur ses derniers instants. On peut appeler ça de l’obstination, ou de la bêtise si on veut… Clara voyait ça comme du respect.

Je me suis peut-être trompée. J’en ai conscience mais Dieu ne voudra sans doute pas d’une âme sauvée in extremis par la peur.

Quand la douleur revint en force, elle ne put s’empêcher de crier malgré sa respiration difficile. Peut-être qu’on lui avait à nouveau tiré dessus ? Mais elle n’avait rien entendu et elle préféra ouvrir les yeux pour constater elle-même la situation. Ce n’était plus le visage si parfaitement symétrique de Vince qu’elle avait sous les yeux mais une gigantesque tête de loup. Un loup qui la regardait gravement et avec un reste de compassion tapie dans ses yeux blancs aux éclats de saphir. De la compassion qui se muait lentement en désespoir. Le loup ne semblait pas se rendre compte que l’une de ses oreilles était portée absente, ne laissant qu’un peu de cartilage ensanglanté.

  • Clara !

L’once de panique dans la voix de Victor lui réchauffa le cœur autant que ça la blessait. Elle n’aimait pas le voir en colère ou déçu ou malheureux… Sauf si elle l’avait fait exprès. Elle vit la fourrure noire du loup s’écarter d’elle et Victor se précipiter pour la soutenir. Si elle avait eu un peu plus de force, elle aurait levé la main pour lui caresser la joue et le rassurer. Eh, ce n’est pas si grave, ce n’est que Clara… Tu en trouveras une autre très bientôt, ne t’en fais pas.

  • Je… ne veux pas te laisser partir. Pas maintenant.

Mais tout devenait de plus en plus noir. Elle glissait et ce serait bientôt fini.

Tout le monde était si concentré sur la Première Dame et sa mort que plus personne ne faisait attention au loup noir. Aussi, il sortit calmement par la porte laissée ouverte, le cœur oppressé par la perte de Clara mais incapable de faire autre chose que de s’éloigner.

Le Bagis était en pleine confusion. Tout le monde criait, paniquait, courrait dans tous les sens et personne ne fit attention à cette monstrueuse créature qui marchait d’un pas lourd et la tête basse. Personne ne sentit la fourrure noire lui frôler les jambes et personne ne vit les traces de sang qu’elle laissait dans son sillage. Les blessures étaient douloureuses mais le loup ne gémissait pas. Pas plus quand ses griffes se rétractèrent et redevinrent de simples ongles au bout de doigts humains. Personne ne vit le cannibale complètement nu émerger de la peau d’un loup aussi facilement que s’il quittait un manteau. Personne.

Et c’était tant mieux.

Arrivé dans sa chambre, il fit jouer les muscles de son cou, un peu plus douloureux que le reste, mais la balle qui fut expulsée de sa nuque ne lui arracha pas un cri. En fait, elle tomba au sol dans la plus totale indifférence. Ce n’était qu’un minuscule bout de métal creux après. Un bout de métal qui n’avait même pas explosé sous l’impact répandant son poison.

Pourquoi nous enfermer ?

  • Parce que je le peux.

Je veux sortir.

  • Tais-toi…

Sors-moi de la Cage…

  • J’ai dit : Tais-toi !

Vince inspira une fois… Deux. Lentement, très lentement. En buvant le sang de Ben, il avait avalé le loup en lui. Cette bête méprisable qui lui avait rendu la vie impossible était maintenant dans son corps à lui et gémissait sourdement. Hors de question qu’il la laisse sortir et surtout après le moment de pure folie ou cette… chose avait sauté sur Clara. Certes, elle ne l’avait pas tuée mais elle l’avait mise en danger.

C’est faux, je…

  • TAIS-TOI !

Plus aucun bruit dans sa tête mis à part celui d’une respiration paniquée qui essaye de se faire oublier. Tant mieux. Vince essayait de ne pas penser que Clara était morte puisque cela donnerait une occasion au monstre de revenir en force et de prendre le contrôle. Avant, il faudrait être sûr de pouvoir la bloquer durablement. Ben l’avait fait pendant quelques années, il faudrait juste qu’il lui montre comment faire. Et peut-être que… Après tout, il l’avait débarrassé de la sale bête. Ca méritait bien une petite récompense, non… ?

Tout ce qu’il te fera c’est du mal ! Ne l’écoutes pas, il…

D’un geste violent, il saisit la première chose un peu effilée qu’il trouva, en l’occurrence un stylo, et se l’enfonça dans la paume avec la satisfaction d’entendre le loup glapir de douleur aux tréfonds de sa conscience.

  • Une autre remarque… ?

Mais la bête se tint coite, juste quelques gémissements de douleur quand il arracha le stylo de sa main et le balança dans la poubelle.

  • Maintenant que nous sommes d’accord sur ton silence, Saches que je n’aurais aucun remord à recommencer. Tu la boucles et c’est tout.

Toujours aucun bruit. La bête avait dû comprendre.

Il attrapa en vitesse un jean et un T-shirt qui trainaient dans son armoire avant de poser à nouveau sa main sur son torse à l’endroit exact du cœur, toujours émerveillé de sentir les pulsations régulières. Il respira plus vite, puis bloqua complètement son souffle pour le sentir changer de rythme. Un cœur vivant… Si un jour il avait pensé que ce simple battement lui apporterait la paix.

Allez, assez rêvé. Il avait beaucoup de choses à faire et après… après, il pourrait pleurer. Il attrapa le combiné du téléphone et tapa de mémoire un numéro.

  • Simon ? Murmura-t-il en entendant qu’on lui répondait. Juste une question et je te laisse à tes vacances : Comment je fais pour organiser mon transfert jusqu’à Londres en plein jour ? Je dois y être au plus tôt.

1Sigur signifie victoire en islandais et Wilk signifie Loup en polonais.

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commentaires

T
Salut<br /> Alors je suis triste pour Sonatine mais contente qu'Allegro s'en soit sorti.<br /> Jolie referencea twilight ^^<br /> Clara va mourir ? Je l'avais pas vu venir.<br /> Super chap j'attend la suite
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